CPCT. « Mise en mouvement d’un positionnement subjectif », par Mélanie Romana

Avec « Mise en mouvement d’un positionnement subjectif « , Mélanie Romana, consultante au CPCT Marseille, livre une vignette clinique élaborée dans le cadre du Colloque Psychiatrie-Psychanalyse tenu en septembre 2019.  
Cette vignette s’inscrit dans un ensemble de cas livrés, sauf un, par les consultants au CPCT Marseille-Aubagne, qui témoignent de l’orientation psychanalytique des traitements au CPCT, dispositif gratuit, limité dans le temps et dans lequel les consultants sont bénévoles. Ces cas cliniques sont totalement anonymes et construits en logique. Ils rendent compte des effets obtenus et du travail de recherche conduit dans ce dispositif. Ils témoignent aussi de la façon dont les problématiques contemporaines sont abordées au CPCT où les pathologies sont pensées à l’aune de la subjectivité des patients. 
« Ce que nous apprenons au sujet à reconnaître comme son inconscient, c’est son histoire, c’est-à-dire que nous l’aidons à parfaire l’historisation actuelle des faits qui ont déterminé déjà dans son existence un certain nombre de  » tournants historiques »[1] »
Aurélia vit avec sa mère. Son père est absent,  présenté comme psychotique, violent physiquement et ayant fait de la prison. En début de traitement, cette enfant parle beaucoup de ce qu’il se passe pour elle à l’école : elle dit subir du « harcèlement » ; elle tombe souvent, se dit « faible », se vit comme objet d’humiliation et de persécution de ses pairs, ce qu’elle met d’ailleurs en acte dans ses chutes régulières. Elle aime jouer à « porter » d’autres enfants ou se faire porter. Elle explique : « je portais un petit et un garçon m’a frappé ». La formulation de la scène racontée fait écho à ce qu’elle connaît de la grossesse de sa mère, durant laquelle le père avait été violent physiquement avec cette dernière. Une autre fois elle raconte, en précisant qu’elle a « très honte »,  car elle est tombée en portant sa copine. Sa jupe et sa culotte se sont baissées. La honte exprimée vient dire quelque chose de sa jouissance.
Un moment clé survient à la moitié du traitement lorsqu’elle arrive en séance en énonçant « je ne suis pas une victime ! ». Quels sont les éléments ayant opéré dans ce changement de position subjective et quels en sont les effets ?

Un discours subjectivé

Au cours des premières séances, Aurélia reprend les signifiants de l’Autre maternel pour raconter son histoire. Elle évolue dans un environnement familial complexe et conflictuel. Elle se perçoit comme l’objet de ces conflits en disant, par exemple, qu’elle est utilisée pour « faire du mal à Maman […] J’ai l’impression d’être une boule de bowling, et ma mère, ce sont les quilles ».  Elle est par ailleurs l’objet de situations dont elle n’a pas la maîtrise. Nous orientons le suivi vers une subjectivation du discours quant à son histoire. Nous parions ici sur l’aspect dynamique du fantasme où « chaque fois que nous parlons de fantasmes, il faut que nous ne méconnaissions pas le côté « scénario », le côté « histoire », qui en forme une dimension essentielle (…) où le sujet se met lui-même en jeu dans ce « scénario »[2]»

Question des origines et identification

Au bout de quelques séances, Aurélia  mentionne un élément faisant identification pour elle : ses origines paternelles. En relatant sa réponse à une insulte raciste, elle précise « je ne suis pas arabe, je suis kabyle ». Elle s’interroge alors sur cette culture dont elle dit ne rien connaître. La question de la langue apparaît lors d’un rêve au cours duquel elle aurait un petit frère qui parlerait kabyle : Aurélia prête à un autre ce qu’elle découvre être un manque chez elle. C’est également sur ce trait que se portent ses choix amoureux. Nous pourrions faire l’hypothèse que le traitement de la question des origines du côté paternel permettrait une ouverture du champ des identifications.

Un travail de séparation

En début de traitement, Aurélia était accompagnée par sa mère. Par la suite, elle est venue seule aux rendez-vous, tout en évoquant longuement au fil des séances leur complicité, le temps passé ensemble, le fait d’ « aimer passer du temps dans la chambre » avec elle lorsqu’elles étaient en vacances. Dans ce premier temps du traitement, interroger l’existence d’autres relations ramène systématiquement Aurélia aux autres enfants qui l’humilient à l’école. Mais, petit à petit, au cours du traitement, des transformations opèrent dans le lien social. Aurélia nous parle de nouveaux amis, d’excuses lui ayant été formulées par une copine s’étant « mal comportée », du fait de pouvoir aller chez ses camarades pour faire des devoirs ou pour dormir chez eux. D’autres relations peuvent être investies. Elle amène également la question de l’amour en nous parlant d’un garçon amoureux d’elle. Nous pouvons faire l’hypothèse que ce lieu d’adresse que constitue le CPCT, ait pu opérer comme tiers entre Aurélie et l’Autre maternel.

[1]     Lacan Jacques, Fonction et champ de la parole et du langage en psychanalyse in La psychanalyse, 1953, PUF, p.139

[2]     Lacan Jacques, Le séminaire, livre V. Les formations de l’inconscient, 1957-1958, éditions Piranha, format thèse universitaire. p. 284



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