En préparation du Colloque Psychiatrie-Psychanalyse des 26-27 septembre, Kader Chelighem est conseiller en insertion et participant à la Section clinique d’Aix-Marseille.
L’œuvre de Krapæelin 1 est considérable. Consignée dans son Traité de psychiatrie, elle n’est que très partiellement traduite en France. Rappelons que « Pour Lacan, Kræpelin c’est la base, l’assise, la Bible, l’Ancien testament du moins. 2 »
Kræpelin est l’un des premiers à organiser de manière systématique la recherche en psychiatrie. Le fondement de sa recherche est la notion « d’étude clinique» de la maladie par opposition à la méthode « symptomatique ». C’est en cela que réside l’aspect révolutionnaire de sa psychiatrie.
Kræpelin trouvait stérile la méthode qui tentait de reconnaître les tableaux morbides (Zustandsbild), « tableau d’état » en fonction des signes cliniques (méthodes symptomatiques). Il estimait que pour pouvoir repérer de véritables entités pathologiques, il fallait considérer l’ensemble de l’évolution de la pathologie et regrouper tous les tableaux qui aboutissent à des états identiques »3.
L’une des principales inventions de Kræpelin est la boîte à diagnostic.
En 1890, Kræpelin est nommé Professeur de psychiatrie à l’université de Heidelberg. C’est là qu’il va s’intéresser à la symptomatologie de diverses maladies mentales. Avec ses assistants, ils rédigent pour chaque patient admis dans la clinique de Heidelberg une fiche sur laquelle ils mentionnent ses symptômes et un diagnostic préliminaire. Chaque fiche est ensuite rangée dans la « boîte de diagnostics ». Chaque fois qu’un nouveau symptôme apparaît et qu’un diagnostic est révisé, la fiche du patient est retirée de la boîte et mise à jour.
Quand le patient est autorisé à quitter l’hôpital, la clinique, un commentaire et un diagnostic final y sont consignés. Au fil des ans, Kræpelin va accumuler des centaines de fiches de ce genre, qu’il emporte en vacances pour les étudier. « De cette manière, nous avons été capables d’avoir une vue d’ensemble et de discerner quels diagnostics avaient été incorrects, ainsi que les raisons qui nous avaient conduits à cette erreur d’interprétation. 4 »
Recueillir systématiquement les symptômes et les diagnostics des malades peut nous paraître aujourd’hui banal. Il faut rappeler qu’avant Kræpelin, personne n’avait mis en œuvre des techniques d’observation et de classifications aussi complètes.
Pour Kræpelin, l’évolution vaut comme validation rétroactive des signes de début de la maladie.
« Kræpelin était bien plus observateur que psychopathologue », souligne Ph. La Sagna 5. Dans une perspective anatomo-clinique, il cherchait une base organique aux symptômes. Contrairement à Freud qui hésitait entre une causalité psychique et une causalité biologique de la maladie mentale, Kræpelin était convaincu que la psychiatrie était un sous-domaine de la médecine.
« Le Kræpelin observateur figure dans notre panthéon, disait J.-A. Miller. Mais le théoricien nous parle un peu moins. Car nous avons notre causalité logique, notre causalité signifiante. 6 »
Lacan et la question du diagnostic
La question du diagnostic en psychanalyse est fondée sur la notion de structure clinique. En 1967, Lacan affirme que la pratique du psychanalyste doit « s’égaler de la structure 7. » En premier lieu parce que la notion de « structure clinique » fonde le diagnostic en psychanalyse. Ensuite parce que ladite structure entretient un rapport tout à fait particulier avec le signifiant.
La structure ordonne l’ensemble des effets produits par le langage. Elle se montre, écrit Lacan, dans « les effets que la combinatoire pure et simple du signifiant détermine dans la réalité où elle se produit 8. »
La question du diagnostic en psychanalyse relève d’un effet du transfert. Tenir compte de la structure du sujet dans une cure, « c’est savoir ce qui se passe dans le transfert, savoir reconnaître la position dans laquelle le dire de l’analysant met l’analyste. 9 »
Dans le séminaire Les psychoses (1954), Lacan rappelle la nécessité de se détacher du phénomène pour pouvoir appréhender les constantes structurales décelées dans la parole du sujet. Il faut rappeler que Freud, dès 1933, dans sa métaphore du cristal brisé, utilise la notion de structure.
Si nous jetons un cristal par terre, il va se briser en fonction de sa propre structure. Les morceaux ainsi brisés vont se disperser en fonction des fêlures et fissures qui le constituent. L’analogie est vite faite entre le cristal et le sujet.
« La structure, est à prendre au sens où c’est le plus réel, où c’est le réel même », dit Lacan en 1968. Et il ajoute : « C’est donc réel. Ça se détermine en général par convergence vers une impossibilité. C’est par ça que c’est réel. 10 » La structure bute sur un impossible : l’impossible comme jouissance interdite, l’impossible du rapport sexuel. Cet impossible est la cause du discours : « Ce que je dis pose la structure parce que ça vise, comme je l’ai dit la dernière fois, la cause du discours lui-même. 11 »
Dans la rencontre avec l’impossible, discours et structure se lient. Lacan nous montre comment suivant la conception structurale, on se détache de la singularité de l’élément au profit des relations des différents ensembles. Les ensembles impliquent toujours des références réciproques, de même qu’un signifiant appelle toujours un autre signifiant. C’est dans ce sens que structure et signifiant sont inséparables 12 . En ce sens, l’œuvre d’E. Kræpelin13 si elle reste précieuse est pré-structurale.
Le programme et la liste des intervenants
Catégories :Colloque Psychiatrie-Psychanalyse
Vous devez être connecté pour poster un commentaire.