SC. Colloque 2019 – Interview – Hélène Duverger et Cécile Henge

Céline Henge est psychiatre, praticien hospitalier au CHS Aix-Montperrin. Elle travaille au CMP Paul Gauguin  à Gardanne, et à l’hôpital de jour à Aix-en-Provence en pédopsychiatrie. Hélène Duverger est pédopsychiatre, praticien Hospitalier au CHS Aix-Montperrin. Elle travaille au CMP Paul Gauguin à Gardanne, et au Centre de psychothérapie infantile (CPI) Vitrolles. En préparation du Colloque Psychiatrie-Psychanalyse des 26-27 septembre, elles répondent aux questions de Béatrice Marty, participante à la section cliniqued’Aix-Marseille

Que pensez-vous de cette idée du colloque qui propose comme thème la question du nouage Psychiatrie et Psychanalyse ?

H.D : C’est un thème intéressant car c’est toujours intéressant de faire rencontrer des professionnels dans des champs qui ne sont pas très éloignés et en même temps différents, de voir comment articuler ces différents domaines. Les occasions ne sont pas aussi fréquentes. C’est à mon sens, une possibilité d’ouverture afin de voir comment ça s’articule, comment mailler les choses.

C.H : Il y a des psychiatres d’orientation psychanalytique, des psychologues d’orientation psychanalytique et quelques fois d’autres thérapeutes. Cela permet de croiser des dimensions thérapeutiques ou des formations qui peuvent être différentes, parce que la formation médicale nous prépare pas forcément à la psychanalyse. Cela dépend des facultés, des générations.

H.D : Pour ma part, en 1999 lors de mes deux premières années de mon internat en psychiatrie, nos cours avaient pour thème « Psychanalyse et phénoménologie », une première approche avec l’héritage d’Arthur TATOSSIAN[1]. Cela ne me paraissait pas trop en articulation avec les problématiques rencontrées dans les services ou dans les gardes, et en même temps c’était intéressant mais on se sentait décalé par rapport à ces questions plus théoriques. Et puis après la formation a été reprise par un autre professeur avec d’autres types d’approches. Du coup, cette question psychiatrie-psychanalyse dans mon histoire a commencé par l’approche psychanalytique, par cet intérêt-là, l’intérêt qu’on nous faisait porter à ça ; ensuite la clinique psychiatrique s’est portée sur d’autres façons de prendre en charge les patients.

C.H : Ce qui a été différent dans ma formation sur Grenoble, très axée sur les neurosciences, la cognition, des techniques de pointe avec tout un aspect expertal. Par contre, dans le socle de la formation de psychiatrie, le D.E.S.C, il n’y avait pas forcément d’approfondissement des notions psychanalytiques, il n’y avait pas de base même. Mais dans les séminaires que l’on pouvait choisir, on pouvait s’orienter vers ces champs-là. C’étaient des séminaires encadrés par des psychanalystes. J’ai fait personnellement le choix d’aller vers ces séminaires-là et c’est là où j’ai appris finalement mais on pouvait ne pas en passer par là. C’était un choix personnel. C’était optionnel, c’est pourquoi nous avons tous des formations différentes, un socle en commun mais après en fonction des options choisies, des rencontres lors des stages, nous sommes amenés à nous intéresser à un domaine plus qu’à un autre. A Grenoble, il y avait des psychanalystes pour beaucoup lacaniens, ce qui m’a permis de me questionner sur ce que cela pouvait m’apporter dans ma pratique. Cela m’a aidée à mettre du sens, à comprendre certaines problématiques. Je pense que cela demande beaucoup de temps, il faut s’y plonger, s’immerger, c’est une nouvelle langue, ça s’apprend, il faut l’expérimenter même personnellement.

H.D : Pour ma part, l’utilisation que je vais avoir des notions psychanalytiques va me servir dans le quotidien de ma pratique, même si je n’ai pas une référence théorique très précise en psychanalyse. Cela m’aide notamment à comprendre certaines choses par rapport à l’autisme, à mettre du sens sur certaines choses qui sont parfois très mystérieuses. C’est un outil qui permet de mettre du sens mais ce n’est pas le seul. Il s’agit de mettre en perspective différents regards sur un même objet, sur un même symptôme. Cela permet d’avoir plusieurs prismes de compréhension.

C.H : C’est vrai que dans la compréhension des troubles du patient cela m’aide beaucoup, ensuite ce qui en est du soin, de la thérapeutique en soi, je pense que si l’on n’est pas suffisamment formé, c’est compliqué de l’utiliser. Lorsqu’il y a des situations d’urgence en garde, une personne en accès maniaque, par exemple, ce qui nous est demandé c’est de lui prescrire un traitement pour qu’il se calme.

C’est pourquoi, je pense que dans la pratique au quotidien, cela demande beaucoup de connaissances, de régularité dans le travail. Je pense qu’il faut vraiment avoir ce désir-là, de s’imprégner car c’est une manière de penser, d’écouter, d’agir qui est différente. On ne peut pas le faire à moitié. C’est un intérêt personnel, on peut le développer si on le veut mais on est médecin avant tout. Donc, ce sont les symptômes qu’on traite. On fait une évaluation diagnostique. Toutes les formations se font en dehors, ce sont des DU supplémentaires. C’est pourquoi, chaque psychiatre a sa manière de travailler. C’est très vaste comme domaine.

Alors justement, qu’est-ce que vous attendriez de ce colloque autour de ce nouage Psychiatrie- Psychanalyse ?

 H.D : Ça pourrait être l’occasion de réfléchir justement sur ma formation. Comment j’ai maillé les choses parce que ce n’est pas forcément très clair pour moi. J’ai des références qui me viennent et que je peux utiliser mais je ne me dis pas, tiens-là je vais puiser dans la psychanalyse ou tiens-là, je vais puiser là. Ça fait des notions qui s’entremêlent. Quand tu m’as annoncé le thème du colloque, je me suis dit que c’était intéressant parce que personnellement, je n’ai pas encore réfléchi dans ma pratique comment j’ai construit mes outils. Donc ça pourrait être l’occasion de réfléchir à ça et voir où en sont mes collègues.

C.H : Comment cela peut se nouer, ça se noue déjà dans certains endroits. Ça dépend vraiment des soignants, parce qu’il y a des soignants qui peuvent insuffler des choses. Comment faire perdurer la psychanalyse dans ce milieu parce qu’il y peu de place, parce qu’on nous demande d’être efficace. Il s’agit d’une autre temporalité aussi. C’est un domaine très attaqué notamment en pédopsychiatrie.

H.D : En effet, d’un point de vue analytique, nous sommes très attaqués par rapport à l’autisme par exemple. C’est reconnu comme peu efficace, pas recommandé, ça rend donc un peu frileux.

C.H : En pédopsychiatrie, ce que j’ai pu percevoir, c’est de mettre à distance telle ou telle pratique mais de s’enrichir de ce que chacun peut apporter même s’il y a des choses qui peuvent être incompatibles à certains niveaux mais d’autres qui peuvent aider le patient et sa famille parce que c’est ça l’objectif. Est-ce que ça soutient, est-ce que ça aide à aller vers du mieux. Et les réflexions de chacun sont à prendre. Dans les services adultes, je ne sais pas s’il y a encore une réflexion d’ordre psychanalytique. Tout dépend des soignants et de leurs intérêts.

En fait, je m’aperçois que le nouage n’est pas si simple. Et donc, ce colloque pourrait permettre un dialogue.

Pourquoi et comment se former lorsqu’on travaille en pédopsychiatrie ?

C.H : C’est une évidence, on se forme en continu.

H.D : On a déjà notre parcours d’études médicales qui amènent plus ou moins à rencontrer des enfants dans des contextes différents. Pour la pédiatrie, ce sont des enfants normaux mais qui viennent parce qu’ils sont malades. Pour la pédopsychiatrie, ce sont enfants bien particuliers. La formation permet d’apprendre la clinique. Il y a après, tout le travail personnel, l’intérêt des équipes avec qui tu travailles parce que c’est une construction commune. Que cela ne soit pas que le savoir du médecin pour qu’il y ait des connaissances partagées avec les équipes.

C.H : On a déjà un socle qui donne des bases mais c’est si peu. Il y a la curiosité et les rencontres aussi qui donnent l’envie de se former. C’est indispensable de se re-questionner même sans ça, les patients nous interpellent parce qu’ils viennent avec toute leur subjectivité, leur parcours et qu’il n’y en a pas deux qui se ressemblent. On ne peut donc pas raisonner de la même manière, ça demande à chaque fois d’aller chercher des réponses à nos questions à travers un livre, un article, en discutant avec un collègue. D’ailleurs, je me dis qu’on ne s’autorise pas assez à poser nos questions, parce qu’on doit en avoir tous pas mal quand même. S’il y a une discipline en médecine qui est toujours en évolution c’est bien celle-ci.

H.D : Par exemple, par rapport à l’autisme, plus on avance et plus on essaie de modéliser cela plus on déconstruit les choses que l’on avait dites avant. Tu ne sais pas si tes connaissances sont solides et si tu peux t’appuyer là-dessus ou s’il ne faut pas les remettre en question. C’est pourquoi, c’est important de se former continuellement.

[1] Arthur TATOSSIAN (1924-1995), professeur de psychiatrie, a vécu et enseigné à Marseille. Il a été professeur émérite de psychiatrie au CHU La Timone, Marseille. Président du Syndicat des psychiatres français.

 

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