En préparation du Colloque Psychiatrie-Psychanalyse des 26-27 septembre, Claudia Iddan, psychanalyste, membre de la NLS et du GIEP (Société israélienne affiliée à la NLS), enseignante dans le Réseau lacanien répond aux questions de Renée Adjiman, enseignante associée à la Section clinique d’Aix-Marseille.
Pourquoi Lacan parle-t-il d’angoisse dans la rencontre avec le fou ?
Dans « Le petit discours aux psychiatres », J. Lacan nous dit : « … Il n’y a pas de demande du petit a, son petit a, il le tient, c’est ce qu’il appelle ses voix, par exemple, et ce pourquoi vous êtes en sa présence à juste titre angoissés, c’est parce que le fou, c’est l’homme libre ».
Le fou ne cherche pas à obtenir de son partenaire le petit a, il l’a tout simplement dans sa poche. La citation met en relief la relation entre les deux termes : l’angoisse qui peut surgir face à la présence du fou et le fait qu’il soit un homme libre.
En quoi consiste cette relation ? Et quelle est cette liberté ? « … car la folie consiste à se déprendre de l’attrait des identifications qui ont effet de masse, pour se laisser « tenter » – le mot est de Lacan – par le risque de la folie », ajoute J. A. Miller[1]. Il continue en disant que la psychose est une position subjective de l’être qui montre l’imposture du sujet supposé savoir, « mais redoublée quand elle s’habille des oripeaux du père ». Cela remet en question la des-identification quasiment totale que cette liberté produit chez le fou et qui implique le partenaire « concerné ». Ce déshabillage symbolique d’identifications nous situe face au corps. Il me semble que l’angoisse que la présence du fou peut susciter nous amène à cette citation de Lacan dans « La troisième » en se référant à l’angoisse : « C’est le sentiment qui surgit de ce soupçon qui nous vient de nous réduire à notre corps » [2], ou autrement dit, il s’agit d’un affrontement vis-à-vis du réel sans aucune couverture apaisante. Face à la liberté, l’angoisse conduit aux différents modes de ségrégation jusqu’au point d’isoler, par exemple, ceux qui appartiennent à une autre paroisse, tels les asiles d’aliénés ou même au moyen d’un diagnostic qui enferme le sujet sans laisser la place à sa subjectivité. En ce qui concerne la place de la subjectivité, c’est le rôle même de la passe qui vérifie que les analyses conduisent au point où en effet l’imposture parentale se révèle, donnant ainsi la possibilité à l’analysant d’aller au-delà du père.
Cette similarité entre le point de des-identification de la psychose et la fin d’une analyse met au premier plan l’idée, l’ambition de Lacan exprimée auparavant dans le même discours cité, à savoir d’arriver au progrès capital qui pourrait résulter du fait que « quelqu’un de psychanalysé s’occupe un jour vraiment du fou ». Il s’agit donc, non seulement de ce que la psychose peut apporter à la psychanalyse, mais aussi de ce que celle-ci pourrait apporter à la psychose, c’est-à-dire introduire un nouveau point de vue qui recèle une position éthique. Ce n’est pas en vain que Lacan a élaboré le concept du désir de l’analyste, afin d’isoler ‘la place vide » de cette position éthique, par rapport à l’empathie et a la compréhension.
[1] J.- A. Miller, « Sur la leçon des psychoses », Actes de l’École de la Cause freudienne, L’expérience psychanalytique des psychoses, Paris, Navarin, 1987, p. 142-144.
[2] J. Lacan, « La troisième », La Cause freudienne, n*79, Paris, Navarin Éditeur, p. 29.
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