SC. Colloque 2019 – Interview – Emmanuel Damville

En préparation du Colloque Psychiatrie-Psychanalyse des 26-27 septembre, Emmanuel Damville, pédopsychiatre, praticien hospitalier au Centre hospitalier intercommunal Toulon-La Seyne répond aux questions de Françoise Biasotto-Roux, participante à la Section clinique d’Aix-Marseille.

Je vous remercie d’avoir accepté de contribuer à l’Hebdo du colloque. À quoi êtes-vous attaché dans votre pratique quotidienne et qu’est ce qui est important pour vous ? Qu’est-ce que vous tenez à soutenir dans votre pratique avec les enfants ?

Il y a différents aspects dans mon métier. Dans le travail avec les enfants et les familles, je suis attaché à respecter les différentes cultures familiales, même si on n’est pas d’accord a priori, il est important d’en tenir compte pour pouvoir, dans un second temps, tenter d’amener des changements en douceur et avec tact et dans le respect d’une certaine éthique. Mon expérience clinique à La Réunion m’a beaucoup enseigné dans cette approche des diversités culturelles.

Au niveau des théories, j’ai été formé à l’approche intégrative à Montpellier dans la droite ligne de Serge Lebovici et je suis très attaché à cette approche car elle répond bien à cette dynamique de l’enfant qui intègre différents aspects cognitifs, somatiques, psychomoteurs et psycho-sociaux.

On arrive à l’aspect institutionnel. La différenciation entre les différents professionnels de cultures différentes et l’articulation de ces approches autour de la situation clinique particulière comptent beaucoup pour moi.

P. Delion m’a enseigné l’importance d’arriver à métaphoriser les différentes approches et les différents discours lors de la synthèse. Travailler ensemble n’est pas synonyme de pensée unique, au contraire, le modèle de la pensée complexe, développé par Edgar Morin, peut aider à définir cette approche intégrative.

À titre personnel, je me suis intéressé à différents champ de savoir : la psychanalyse à titre privé et à Paris VII avec A. Vannier, qui plaçait la question du corps au centre de la clinique. Ensuite, je suis allé vers la psychologie du développement car le travail auprès d’enfants autistes m’intéresse. Là aussi la question du corps est abordée dans ses particularités sensori-motrices, en acceptant des modalités d’être au monde, différentes pour chaque individu ; c’est l’enseignement d’André Bullinger. Enfin, je participe depuis peu à la recherche clinique en laboratoire universitaire, c’est un ailleurs, hors de l’hôpital, qui nourrit ma pratique.

 À quelle(s) difficulté(s) êtes-vous confronté aujourd’hui dans votre pratique avec les enfants et/ou les adolescents ?

 La difficulté principale à laquelle je suis confronté est la détresse sociale, la dissolution du tissu social, qui dépasse les critères économiques. Pour comparer, à La Réunion, il y a moins de détresse sociale car les réseaux familiaux sont plus présents qu’en métropole. Les autres difficultés sont relatives aux contraintes administratives qui augmentent de plus en plus. Nous sommes face à des injonctions paradoxales : les demandes de prise en charge sont en augmentation régulière mais les moyens sont constants, voire en baisse. Nous devons faire plus avec moins de moyens, au bout du compte. Malgré cela, c’est un choix pour moi de travailler dans le service public. L’enjeu actuel est de remettre le vécu du soignant au centre des préoccupations administratives, car les dégâts sur la santé au travail d’un management arbitraire sont immenses et même contre-productifs. Heureusement, sur le plan de l’économie de la santé, il y a une remise en question de la tarification à l’acte car on se rend compte que cette obsession du chiffre n’est pas efficace, et altère la qualité des soins.

 En quoi ce colloque sur le nouage psychiatrie-psychanalyse vous semble-t-il d’actualité ?

 Ce colloque est d’actualité dans la mesure où la psychanalyse continue à se remettre en question. À un moment donné, la psychanalyse était le modèle dominant dans la psychiatrie, ainsi que dans d’autres sphères de la société, et on a abouti à la pensée unique au risque de la mort de celle-ci. Il est important de revenir à la position des pionniers de la psychanalyse tels que Freud, Lacan et Jung qui ont dialogué tout au long de leurs recherches avec d’autres disciplines comme la philosophie, la littérature, les mathématiques, la physique quantique etc. Les psychanalystes le savent bien, la dialectique est nécessaire, mais les enjeux de pouvoirs au plan social ont pu obscurcir le discernement de certains, surtout jusque dans les années quatre-vingt. Robert Castel, sociologue, parlait en 1973 du « psychanalysme » soit, la difficulté, pour certains psychanalystes, de réfléchir sur leur pouvoir social. D’autres approches tentent de prendre ce pouvoir comme les théories comportementalistes, par exemple. Il est pourtant fécond de nouer des dialogues entre des cultures différentes et sortir des clivages justement. En ce sens ce colloque est très important.

Le programme et la liste des intervenants

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