SC. Colloque 2019. « La folie puerpérale » par Mélanie Romana

Lecture de la leçon quatorze de l’Introduction à la psychiatrie clinique d’Emil Kræpelin par Mélanie Romana, participante à la Section clinique.

Dans Introduction à la psychiatrie clinique[1], le psychiatre Emil Kraepelin propose une leçon consacrée à la folie puerpérale. En quoi sa démarche diagnostique enseigne-t-elle le clinicien ? Quelle est sa thèse concernant cette « maladie[2] » ? Nous évoquerons les cas exposés et leur analyse diagnostique. Nous retranscrirons également les spécificités de la folie puerpérale.

Cas présentés et démarche diagnostique

Emil Kraepelin présente trois patientes ayant déclenché une folie en période puerpérale. Son approche clinique descriptive permet de dégager une particularité dans chaque cas présenté.

Le premier cas est une catatonie. Parmi les « caractères extérieurs[3] » observés en post-partum, « l’excitation catatonique est une des formes les plus fréquentes[4]. » Il s’agit d’une jeune femme dont la maladie a débuté au cours de sa troisième grossesse. Après avoir précisé et confirmé le diagnostic de catatonie, le psychiatre démontre la puerpéralité comme étant un facteur venant favoriser « l’installation définitive de la maladie[5] » déjà là, et non comme étant sa cause. La malade est encore dans un « asile d’incurables » huit ans après l’accouchement.[6]

Le second cas est celui d’une folie puerpérale avec infection. C’est une femme plus âgée dont il établit un lien direct entre la puerpéralité et le tableau clinique présenté. En effet, « les troubles mentaux affectent ici une allure toute particulière et leurs relations étroites avec les suites de couches n’offrent pas le moindre doute[7] », contrairement à la première patiente. Une « guérison complète en huit à quinze jours au plus[8] » est escomptée.

Dans le troisième cas, Kraepelin présente une jeune femme souffrant d’épilepsie et de chorée « vraie ». Cette dernière est le résultat d’une affection somatique donnant lieu à une « affection mentale[9] » bien spécifique, différente de celle rencontrée dans l’hystérie. Le tableau clinique de la patiente permet d’exclure, comme dans le premier cas, la puerpéralité comme cause de la maladie.

La précision des éléments cliniques retranscrits dans la présentation de ces cas témoigne de la rigueur de la démarche diagnostique du psychiatre. Par exemple, il remanie la « manie puerpérale » puisque son « étiologie effective[10] » ne réside pas dans la période post partum. Il la resitue comme phase maniaque de la « folie maniaque-dépressive ». De nouveaux accès se manifesteront à cause d’une autre « cause occasionnelle » ou même « sans raison aucune[11]. » Ainsi, la période puerpérale ou certains « caractères extérieurs[12] » ne signent pas la folie puerpérale. C’est la précision du tableau clinique et la recherche étiologique qui le permettent. Par ailleurs, Kraepelin peut infirmer un diagnostic posé initialement en établissant le diagnostic différentiel et selon les « conditions d’apparition, l’évolution ou la terminaison de la maladie[13]. » Il retranscrit des anamnèses concises et définit le rôle du médecin concernant les soins à apporter aux malades.

La folie puerpérale

L’étiologie de la folie puerpérale, selon Kraepelin, en fait sa spécificité. En effet, cette maladie trouverait son origine dans « l’organisme féminin[14] » et ses modifications impliquées par la période puerpérale. Elle se distingue ainsi de la « folie maniaque-dépressive[15] » ou de la chorée. En termes d’éléments diagnostics positifs, il souligne d’importants « troubles de la compréhension et de la conscience », une « confusion dans le langage et dans les actes » et des hallucinations[16]. Il établit un pronostic d’évolution favorable vers une « guérison complète et durable[17] » sans récidive. Nous remarquons dans cette leçon la primauté de l’observation clinique et de la causalité organique, à la différence de l’apport de Lacan avec la mise sur la causalité psychique et le sujet en tant qu’être de langage.

Cette lecture enseigne le clinicien sur la rigueur et le souci du détail nécessaires à une démarche diagnostique. Kraepelin amène des « questions encore loin d’être élucidées[18]. » Aussi, nous y voyons un lien avec ce que nous enseigne Lacan qui considère la compréhension comme un « mirage inconsistant[19] ». « Commencez par ne pas croire que vous comprenez[20] », recommandait- il.

[1] Emil Kraepelin (1907), « Quatorzième leçon », Introduction à la psychiatrie clinique, Paris, Hachette livre, BnF, 2013, p. 166 -179.

[2]  Ibid., p. 173.

[3]  Ibid., p.166

[4]  Ibid., p. 167.

[5]  Ibid., p.171

[6]  Ibid., note de bas de page p. 170.

[7]  Ibid., p.173

[8]  Ibid., p.174

[9]  Ibid., p.178

[10]  Ibid., p.166

[11] Ibid., p.166

[12] Ibid., p.166-167

[13] Guy Briole, « Emil Kraepelin. La fragilité d’une œuvre colossale », La Cause freudienne, n° 73, Les surprises du sexe, Paris, Navarin éditeur, 2009, p. 123.

[14]  Ibid., p. 166.

[15]  Ibid.

[16]  Ibid., p. 172.

[17]  Ibid.

[18] Ibid., p. 173.

[19] Jacques Lacan (1955-1956), Le Séminaire, livre III, Les psychoses, Paris, Seuil, 1981, p. 15.

[20] Ibid., p. 29.

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