SC. Colloque 2019 – Interview – Kévin Antoine

Kévin Antoine, participant à la section clinique d’Aix-Marseille, répond à Philippe Devesa. 

Pouvez-vous nous citer chez Lacan ce qui vous sert de boussole au quotidien dans votre pratique clinique ?

Pour ne pas perdre le sens de la découverte freudienne

Lorsqu’il vient m’adresser une demande qui concerne généralement le soulagement d’un mal, j’observe aussi parfois le sujet s’animer d’une certaine espérance qu’il place dans notre compagnonnage : celle de découvrir une réponse qui viendrait éclairer sa situation présente. Dans la recherche initiée, nous avons alors à arpenter les sinueux chemins d’une histoire. Et la boussole de devenir à ce niveau particulièrement utile. Car pour pouvoir dire de ma pratique clinique qu’elle est orientée par la psychanalyse, encore me faut-il veiller à ne pas perdre le sens et la portée de la découverte freudienne de l’inconscient. Encore jeune psychologue, l’enseignement de Lacan constitue pour moi une précieuse boussole pour orienter mon écoute du dire. En particulier son aphorisme bien célèbre prononcé à l’occasion de sa conférence de 1955[1] : « Moi, la vérité, je parle. » Elle parle et elle insiste surtout, dans la parole comme dans les actes et les symptômes des sujets que je rencontre. Elle persévère à venir au jour en dépit des obstacles dressés sur sa route ; et Lacan de continuer, ici en porte-parole de la vérité : « Quand même les juridictions conjointes de la politesse et de la politique décréteraient non-recevable tout ce qui se réclamerait de moi à se présenter de façon si illicite, vous n’en seriez pas quittes pour si peu, car l’intention la plus innocente se déconcerte à ne pouvoir plus taire que ses actes maqués sont les plus réussis et que son échec récompense son vœu le plus secret. » Précieuse indication qu’elle nous donne : ce n’est pas entre les lignes que nous devons la poursuivre, mais dans celles-là mêmes qui constituent l’énoncé qui lui donne le support nécessaire à son actualisation. L’enseignement de Lacan m’invite à considérer l’individu qui se présente à moi comme un sujet original avant tout. Il n’y a pas de vérité qui ne soit pas d’abord une vérité, celle d’un sujet singulier en prise avec son désir et ses caprices. Utiliser une boussole en la clinique ? Oui, mais une boussole à laquelle il manquerait peut-être le nord. Ou plutôt dépourvue de ligne d’arrivée déjà inscrite, qui attendrait simplement d’y être pointée.

[1] Lacan, J. (1955). La chose freudienne ou Sens du retour à Freud en psychanalyse. Dans J. Lacan, Écrits I (pp. 398-433). Paris, 1999: Seuil

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