Retour sur « Que nous enseignent les guerres ? »

Par C. Boiteux – Retour sur la soirée « Que nous enseignent les guerres ? », organisée le 23 mars 2016 à Gap par l’Université du temps libre et le bureau de ville de l’ACF MAP Gap-Manosque.

Pour lire la présentation de la soirée, cliquer ici.

« La guerre au sens classique est l’affrontement d’un ennemi extérieur. Frédéric Paul, psychiatre des armées, nous fera entendre que l’ennemi ou l’inimitié peut apparaître non plus devant, à l’extérieur mais à côté, dans le semblable du bataillon. Et pire encore quand le traumatisme de guerre se radicalise c’est à l’intérieur du militaire lui-même qu’apparaît l’étranger de la pulsion. »
Jacques Ruff

Lors de cette soirée, nous avons pu entendre le discours croisé entre Frédéric Paul, psychiatre, médecin chef à l’hôpital de Laveran (Marseille) et Jacques Ruff, psychanalyste à Gap, qui le recevait dans le cadre d’un partenariat avec l’Université du temps libre.

Ils nous ont fait saisir la façon dont chacun d’entre eux, avec ses propres outils conceptuels, aborde la question de la violence véhiculée au travers des guerres contemporaines et du terrorisme.

Comment comprendre ce qui surgit d’inacceptable : les exactions, les violences à l’égard des civils, des prisonniers… ?

Les enjeux actuels du terrorisme amènent à dire que l’ennemi, la guerre ne sont plus seulement à l’extérieur, l’ennemi est à l’intérieur de nos états et nous verrons qu’il est à l’intérieur même du militaire lorsque le pulsionnel surgit.

Frédéric Paul soutient que certains mythes comme celui de l’hydre de Lerne dans les travaux d’Hercule permettent une métaphore de la lutte contre le terrorisme. Il conceptualise ainsi le sentiment d’embrasement du terrorisme au fur et à mesure que la lutte contre ce dernier s’accentue. Ce mythe permettrait également d’envisager une perspective pour terrasser le terrorisme à la façon dont Hercule a terrassé l’hydre de Lerne. Pour cela, il faudrait faire appel à un élément tiers et « enterrer vivant l’ennemi immortel » !

Pour illustrer l’intériorisation de l’inimitié chez le militaire, Frédéric Paul évoque une vignette clinique. Il expose ainsi de quelle manière la colère et la radicalité donnent au militaire accès à quelque chose d’archaïque en lui-même, se traduisant par l’émergence d’un traumatisme.

Le mythe d’Ulysse de retour auprès de Pénélope permet la métaphore sur la difficulté du retour au domicile du soldat traumatisé psychique, en proie à des problèmes de comportements agressifs et à de la violence.

La discussion de Jacques Ruff sur l’exposé de Frédéric Paul ouvre à certains concepts du champ psychanalytique en lien avec les situations évoquées par Frédéric Paul.

Comment parler de la violence de l’homme ordinaire et évoquer ce qui surgit et qui est inacceptable ?

La recherche d’un sens au moyen des mythes pour expliquer le surgissement du pulsionnel, l’émergence de ce qui parait archaïque est-il suffisant ?

Le concept lacanien de Réel vient nommer ce surgissement « hors sens ».

Il est nécessaire d’appréhender la différence entre la réalité qui est la construction d’une culture illustrée par des représentations et le réel qui est hors sens.

La violence dans la réalité à un moment donné fait voler en éclat nos représentations, nous sommes face à un réel hors sens, sans recours possible au symbolique.

La question se pose alors du traitement. De quelle façon sont pris en charge les militaires traumatisés par leur expérience d’un réel hors sens ? Y a-t-il une place possible pour le singulier de chacun ?

Claudine Boiteux



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