« Président Schreber I – ‘Subjectivement certain' »

Dans son livre Ne devient pas fou qui veut – Clinique psychanalytique des psychoses (Lussaud, 2013), Hervé Castanet revient sur le cas Schreber en deux chapitres. Pour cette édition spéciale du Blog SC, il a accepté d’en livrer un. Le prochain à (re)découvrir pour le Blog Spécial Ouverture de la session 2015, en janvier.

L’objet
La psychanalyse (lacanienne) affirme qu’il y a un sujet dans la psychose. Qu’implique alors de poser l’articulation éthique et clinique pour produire ce point bascule du pas-de-clinique-sans-éthique où se spécifie la praxis psychanalytique – y compris pour la psychose ? Cette question implique que la cure et sa conduite, contrairement à ce qui se colporte, ne sauraient se réduire à un pur logico-symbolique qui articulerait Wittgenstein avec Hegel. La parlote, le bla-bla-bla du parlêtre trouvant en eux-mêmes, on ne sait par quel miracle, leur cause et leur raison. Ce pas-de-clinique-sans-éthique implique l’ordre symbolique et la parole du sujet qui, en énonçant, fait acte – « […] l’acte (tout court) a lieu d’un dire, et dont il change le sujet[1] ». Dire acte, c’est poser ce qui, nécessairement, de cet ordre choit, irréductible – ce quelque chose que la parole, dans les défilés qu’elle crée, inaugure, creuse comme un silence bruyant. Dire acte, c’est interroger ce qui, sous la pression du transfert, se constitue marqué du sceau d’une perte spécifique. S’en déduit la catégorie de l’objet[2] qui ne s’isole d’aucune concrétude, qui est externe à toute définition possible de l’objectivité. L’objet ainsi posé – différent de la réalité matérielle pratico-inerte – n’est nullement la limite extérieure du procès analytique. Au contraire, hétérogène à toute prise signifiante, il se situe au cœur même de la praxis. Cet objet a qui se déduit de la chaîne signifiante, lui demeure inassimilable, comme son impossible. Mais un impossible spécifié, car ce sont le cernage signifiant, le serrage du mot qui le créent – « L’objet a est ce qui prend consistance quand on parle au fur et à mesure que l’on néantise[3] ».

Articuler, dans la clinique, cette catégorie de l’impossible – que la logique pointe comme ce qui ne cesse pas de ne pas s’écrire[4] – c’est poser ce à quoi la psychanalyse se trouve affrontée : à cet objet non pas contingent ou nécessaire, mais impossible. J. Lacan, dans sa « Conférence à Sainte-Anne » (2 décembre 1971, inédite), notait que « l’objet a est, certes, un objet, mais pour autant seulement, que substitué à toute notion où l’objet est supposé par un sujet. S’il est, en particulier, produit du savoir, il est exclu qu’il soit soumis à la connaissance. Lorsqu’il s’y manifeste il n’est plus qu’un reflet déjà évanoui ». La question est moins de construire une clinique de l’objet a que d’interroger ce qu’implique une clinique travaillée par l’objet a.

Hervé Castanet, « Président Schreber – ‘Subjectivement certain’ », extrait de Ne devient pas fou qui veut. Clinique psychanalytique des psychoses (Lussaud, coll. L’impensé contemporain, 2013, 2e édition revue et corrigée).
Lire la suite : « Président Schreber – ‘Subjectivement certain’ »
Avec l’aimable autorisation de l’auteur.

En savoir plus sur le livre.

[1] Lacan, Jacques, « L’acte psychanalytique – compte rendu du séminaire 1967-1968 », Autres écrits, Le Seuil, 2001, p. 375.

[2] Ibid., p. 379.

[3] Miller, Jacques-Alain, « Clinique ironique », revue La Cause freudienne n° 23, L’énigme et la psychose, Navarin-Le Seuil, 1993, p. 11.

[4] Lacan, Jacques, Séminaire XX, Encore, Le Seuil, 1975, p. 55. Voir aussi : Lacan, Jacques, « L’étourdit », (1973), Autres écrits, op. cit., p. 450 et suivantes.

Prochainement : Lire la présentation du chapitre « Le Président Schreber II – Le danger ».



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