Le Blog SC s’entretient avec le docteur Christian Mallemont, président de l’association Formation Médicale Continue PACA.
Le Blog SC : Pouvez-vous nous préciser votre rôle au sein de la FMC PACA ?
Christian Mallemont : Je fais de la formation médicale continue depuis 1983. Après avoir épuisé le champ des possibilités au niveau de l’animation, de l’organisation et de la conception de formations médicales, je me suis senti à même de motiver les autres et de diriger une association, suite à quoi j’en ai été élu président. Maintenant, la transmission de cette présidence concentre mon intérêt.
Comment se produit la rencontre avec la souffrance psychique dans le cadre des formations ?
C. M. : Dans ses formations, la FMC PACA utilise, parmi d’autres, un moyen pédagogique particulier : le photo-langage. Celui-ci permet au participant d’exprimer des émotions en rapport avec la formation en cours. Il y a beaucoup de conduites d’évitement chez les médecins : par exemple, quand le généraliste adresse des personnes en dépression grave chez le psychiatre, c’est peut-être parce qu’il ne souhaite pas être confronté à cette maladie. Nous avons créé des outils de formation pour affronter ces difficultés. Cela à des effets dans la pratique du médecin. Un exemple : lors d’une formation sur l’annonce du cancer, les participants jouaient des jeux de rôle sans pourtant prononcer le mot « cancer ». Au bout de trois jeux de rôle, pas une seule fois le mot cancer n’avait été prononcé. Je suis intervenu personnellement et n’y suis pas arrivé non plus ! Au cabinet, je suis plus à l’aise depuis que j’ai fait ces formations.
Pouvez-vous nous citer une rencontre avec la souffrance psychique qui aurait fait événement pour vous ?
C. M. : Autant j’ai des armes concernant la souffrance physique, je sais qu’on doit l’affronter, autant j’ai du mal à affronter la souffrance psychique. Ceci car je ne la comprends pas toujours et n’ai pas les armes pour aider mon patient sur ce plan. C’est assez déstabilisant. Je ne vois pas de limite entre la maladie mentale et la normalité mentale. Il y a un continuum. Cela pose la question de la définition de la maladie mentale et de la normalité.
Pour parler de souffrance psychique légère, une patiente m’expliquait qu’aucun des membres de sa famille ne dormait. Elle ne dort pas non plus et en souffre horriblement. La seule chose qui lui convient est de prendre des somnifères. Elle est jeune avec des enfants en bas âge et cela fait dix ans qu’elle en prend, avec l’intention de continuer toute sa vie. Dépendre d’une molécule pour son équilibre psychique me choque. Nous avons discuté de ce que voulait dire « ne pas dormir » et de la souffrance que cela occasionnait. Tout le monde a des épisodes d’insomnie, moi compris mais sans que j’ai eu l’idée de prendre un somnifère. Or si cette patiente ne peut pas faire autrement, c’est qu’elle souffre plus que moi ; c’est très compliqué de l’aider.
Devant la maladie mentale, je me sens souvent hors de mon domaine de compétences. La psychose est quelque chose que je ne comprends pas. Autant la schizophrénie est caractérisée, autant la psychose maniaco-dépressive est plus difficile à évaluer.
Aussi, face à un malade très dépressif, lorsque l’on est soi-même optimiste, on a envie de lui dire : « Vous n’avez qu’à prendre sur vous, vous n’avez qu’à aller de l’avant, vous n’avez qu’à, etc. ». Or, on se rend bien compte que cela n’est pas opérationnel. Je suis très attentif à ces gens dépressifs. Je souhaite les aider et je sais que je ne peux pas leur dire « Faites comme moi », car je n’ai pas à montrer l’exemple.
Propos recueillis par Renée Adjiman
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