L’association des psychologues freudiens invite Hervé Castanet* pour une conversation autour de son livre Neurologie versus psychanalyse, paru aux Éditions Navarin. Soirée en webinaire sous le titre « Pas-tout neuro!« .
*Hervé Castanet,
Professeur des universités, membre de l’École de la Cause freudienne et de l’Association mondiale de psychanalyse, il est psychanalyste à Marseille et a publié une trentaine de livres, dont Homoanalysants et Quand le corps se défait (Navarin/Le Champ freudien, 2013 & 2017).
Entrée libre sur inscription, c’est ICI
Comment, Hervé Castanet, vous y êtes-vous pris pour ce livre Neurologie versus Psychanalyse ?
HC. Une première balise : épistémologie et éthique se nouent. Me permettez-vous une remarque personnelle ? J’ai toujours beaucoup aimé l’épistémologie (et la logique formelle) car c’est une arme pour combattre et démonter les présupposés idéologiques de ce qui se présente comme la pure science en marche (cette idéologie pose la psychanalyse comme étant métaphysique et donc non-scientifique). D’où cette référence à Althusser que j’ai beaucoup lu et aimé (du temps de ma jeunesse) : il y a une philosophie spontanée du savant (qu’il le sache ou non). Jean-Pierre Changeux, grand scientifique reconnu (institut Pasteur, Collège de France, Académie des Sciences), est le moins ambigu des neuroscientifiques sur ce point : il définit aussi son travail comme une *philosophie de la biologie*. Il n’en démord pas et son dernier livre d’entretiens qui vient de sortir continue à l’affirmer. D’où, du point de vue épistémologique, l’importance de cette phrase de mon collègue Miquel Bassols (psychanalyste à Barcelone) tirée de sa Préface à l’édition espagnole (en cours) de mon livre : *Ce sont toutes des tentatives licites pour combler l’abîme qui s’ouvre entre la cause et l’effet à partir d’une perspective neuro-mécaniste. C’est dans cet abîme ouvert par le langage lui-même dans l’être parlant que l’expérience analytique place le sujet de l’inconscient et le corps parasité par la jouissance et la pulsion de mort.* Effectivement, le corps parasité par la jouissance est l’impensable de la théorie neuro qui, elle confond, la jouissance (effet du signifiant percutant le corps vivant – corporisation, dit J.-A. Miller) et le plaisir (mesurable. Dopamine et compagnie).
Donc, rien de commun entre psychanalyse et neurobiologie ?
HC. Si l’on parle des *bases biologiques de l’inconscient*, alors on fournit explicitement des armes extraordinaires et redoutables aux neuroscientifiques qui veulent éradiquer la psychanalyse. L’inconscient de Freud, l’inconscient de Lacan n’ont pas de *bases biologiques* (en fait des bases neuronales !). Sinon, on sort de la psychanalyse…
Cette thèse neuro, comme vous la désignez, a, à vous lire, des conséquences cliniques. Lesquelles ?
HC. Effectivement, il y a des conséquences thérapeutiques qui découlent de ces thèses matérialistes/organicistes.Voici un exemple parmi tant d’autres. Le diabète, bien étudié par la médecine, sert de modèle au neurobiologiste pour penser les affections psychiatriques : « Il faut maintenant obtenir des critères quantitatifs. Le quantitatif est indispensable au diagnostic. Peu importe la méthode à condition qu’elle conduise à une réponse non ambiguë. On détecte le diabète en mesurant la réponse à une injection de glucose. Il faut disposer de tests similaires pour la maladie mentale. Les […] tests biologiques paraissent indispensables. Une fois qu’on a établi une carte des troubles, on fait ensuite un diagnostic, comme un neurologue », écrit Changeux. Les neurosciences n’en démordent pas : la psychiatrie est une discipline métaphysique. Elle doit, pour devenir scientifique, être fondue dans la neurologie.
De telles formulations font froid dans le dos.
HC. Vous avez raison mais laissons le pathos au vestiaire. Armons nos concepts pour cogner. Oui : cogner !
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