SC 2022. « Le pousse-à-la-femme de Lacan » par Élisabeth Pontier

En amont de la conférence qui sera donnée par Yves-Claude Stavy* lors de la seconde Matinée clinique de la Section clinique d’Aix-Marseille le 21 mai 2022,  sous le titre « Du pousse-à-la-femme du Lacan de 1972 aux pousse-à-la-femme d’aujourd’hui », Élisabeth Pontier, enseignante à la SC,  nous invite  à « quelques rappels sur le concept de pousse-à-la-femme de Lacan ». Ci dessous  l’argument, le texte, les infos pratiques.

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Argument

Le pousse à la femme est une réponse de Lacan, en1972, à la thèse de Stoller exposée un an plus tôt dans
Sex and Gender. Une réponse… mais aussi un hapax dans l’enseignement de Lacan : l’expression ne figurant que dans son grand écrit L’étourdit, pour ne plus apparaître dans la suite de son enseignement. Nous tenterons à la fois de rendre compte comment Lacan en est-il arrivé à considérer le pousse à la femme psychotique comme un «forçage, sardonique, se spécifiant du premier des deux quanteurs dits ´niés´ » et comment il s’est ensuite passé de ce concept… à la condition de s’en être servi.

Yves-Claude Stavy, psychiatre, psychanalyste à Paris, membre de l’École de la Cause freudienne et de l’Association mondiale de psychanalyse

Quelques rappels concernant le concept du pousse-à-la femme de Lacan, par Élisabeth Pontier (télécharger au format PDF en cliquant ici).

Voici quelques éléments de réflexions en attendant — avec impatience — la matinée du 21 mai avec Yves-Claude Stavy. Il s’agit de quelques rappels susceptibles d’éclairer la lecture de son argument sur le pousse-à-la femme.

Causalité sexuelle dans les psychoses.

Lacan a bien entendu adossé sa théorisation des psychoses au texte de Freud sur le cas de paranoïa de Daniel-Paul Schreber, à partir du livre-témoignage de ce dernier[1].

Il faut tout d’abord préciser que Lacan n’a pas suivi Freud dans son hypothèse faisant du refoulement de l’homosexualité la cause du déclenchement de la psychose.

Ceci s’atteste par le fait qu’une homosexualité avérée ne contredit absolument pas un tableau de psychose déclenchée. Mais il s’agissait sans doute pour Freud d’avancer que la sexualité était une fois de plus en jeu dans la causalité psychique.

Il faut également rappeler l’effet de « forçage » ressenti par Schreber au début de son expérience, c’est-à-dire que l’image telle « qu’il serait beau d’être une femme en train de subir l’accouplement » s’impose à lui et entraîne une révolte, un profond rejet.

Féminisation n’est pas jouissance féminine.

Dans un premier temps, en 1958[2], lorsque Lacan examine les travaux de Freud sur le cas Schreber, il parle d’abord seulement de « féminisation ». Ces phénomènes ne sont absolument pas le produit d’un déchiffrage de ce qui serait refoulé, mais sont à recueillir dans le témoignage lui-même. De plus on ne les trouve pas systématiquement dans les différentes expériences.

Il ne faut pas non plus confondre la jouissance féminine et cette « jouissance trans-sexualiste » comme Lacan la nomme également à cette époque. On peut cependant les rapprocher dans la mesure où elles confrontent les sujets qui en sont traversés, à l’expérience d’une jouissance infinie. Mais la jouissance féminine ne se conçoit pas sans l’inscription dans la structure de la jouissance phallique. Alors que la forclusion du Nom-du-Père dans les psychoses implique que le phallus comme opérateur de régulation de la jouissance ne s’est pas mis en place.

Les deux valences de la féminisation délirante.

Si je devais extraire une phrase du texte que Lacan consacre à son étude du cas Schréber je choisirais celle-ci qui condense son long parcours délirant : « faute de pouvoir être le phallus qui manque à la mère, il lui reste la solution d’être la femme qui manque aux hommes ».

Autrement dit : la castration de la mère de Schreber ne s’est pas inscrite pour lui et de ce fait il ne peut occuper la place du phallus manquant. Mais au décours d’un long processus, Schreber se stabilisera sous un signifiant : celui de « la femme », soit un substitut phallique. La femme en voilant par la mascarade son absence de pénis, est une incarnation par excellence du phallus.

Cependant, si les phénomènes relevant d’une féminisation forcée doivent d’abord être mis au compte d’une jouissance dérégulée, lorsque la féminisation prend consistance dans l’élaboration du délire, elle participe à la stabilisation de la structure. Schreber est d’ailleurs passé d’un rejet complet de ces phénomènes à un consentement lorsqu’il a réussi à les intégrer à sa tentative de guérison.

Pousse à l’exception dans les psychoses.

Ce n’est que 15 ans plus tard que Lacan propose la formule du pousse-à-la femme dans son texte L’étourdit[3]. Dans ce texte de 1972, Lacan fait un pas de plus en se dotant des formules de la sexuation qui articulent différents quanteurs logiques. Nous savons que l’exception paternelle se spécifie d’une existence non soumise à la castration. Lorsque cette exception n’est pas en place, c’est-à-dire lorsqu’il n’existe pas d’x non soumis à la castration pour un sujet, celui-ci est affronté à la jouissance sans cette garantie pour y parer : il s’agit d’une psychose. De ce fait la place de l’exception demeure vacante, puisqu’il n’existe pas d’x non soumis à la castration, et il y aura une pente pour le sujet à venir occuper cette place.

Pour terminer arrêtons nous sur la formule de « forçage sardonique » lié à cette pente. Un peu d’éthymologie tout d’abord pour apprendre que cet adjectif vient du nom d’une racine en provenance de Sardaigne, l’herba sardona dont l’ingestion est toxique et provoque un rictus.

Si ce rictus tient donc plus de la grimace que du sourire c’est qu’il est l’indice de l’approche du trou dans le symbolique, lorsque plus rien ne le voile. C’est à parer à ce trou que s’attellent les sujets psychotiques, parfois effectivement jusqu’à incarner cette figure d’exception qui peut se spécifier d’être La femme qui n’existe pas.

[1] Daniel Paul Schreber, Mémoire d’un névropathe, Éditions du Seuil, 1975.

[2] Jacques Lacan, D’une question préliminaire à tout traitement possible de la psychose, Écrits, Seuil, 1966, pp. 531-583.

[3] Jacques Lacan, L’étourdit, Autres écrits, Seuil, 2001, pp. 449-495.

Inscriptions pour recevoir un lien zoom : section.clinique.uforca13@gmail.com.

Samedi 21 mai 2022. Horaires: 10h-12h30

Ci-dessous, une introduction par Yves-Claude Stavy à sa conférence « Identités sexuelle freudienne et sexuation lacanienne »

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