En amont de la conférence qui sera donnée par Yves-Claude Stavy* lors de la seconde Matinée clinique de la Section clinique d’Aix-Marseille le 21 mai 2022, sous le titre « Du pousse-à-la-femme du Lacan de 1972 aux pousse-à-la-femme d’aujourd’hui », Quentin Meynaud, participant à la SC, propose un texte intitulé: » Le pousse-à-la-femme: avant, aujourd’hui « . Ci-dessous l’argument, le texte, les infos pratiques.
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Argument
Le pousse-à-la-femme est une réponse de Lacan, en1972, à la thèse de Stoller exposée un an plus tôt dans
Sex and Gender. Une réponse… mais aussi un hapax dans l’enseignement de Lacan : l’expression ne figurant que dans son grand écrit L’étourdit, pour ne plus apparaître dans la suite de son enseignement. Nous tenterons à la fois de rendre compte comment Lacan en est-il arrivé à considérer le pousse-à-la -femme psychotique comme un «forçage, sardonique, se spécifiant du premier des deux quanteurs dits ´niés´ » et comment il s’est ensuite passé de ce concept… à la condition de s’en être servi.Yves-Claude Stavy, psychiatre, psychanalyste à Paris, membre de l’École de la Cause freudienne et de l’Association mondiale de psychanalyse
Le pousse-à-la-femme: avant, aujourd’hui, par Quentin Meynaud (télécharger au format PDF en cliquant ici).
Ce texte prend appui sur un article d’Augustin Ménard : « Le pousse-à-la femme dans la psychose », consultable sur le lien suivant : https://www.lacan-universite.fr/wp-content/uploads/2011/03/THEORIES-DE-LA-CLINIQUE10.pdf
Y.C. Stavy situe le concept de pousse-à-la-femme comme une réponse de Lacan à Stoller, dont les travaux inaugurent ce que seront les gender studies. Il le situe également comme un « hapax », un concept dont on ne retrouve qu’une occurrence dans l’œuvre de Lacan (dans « L’étourdit », en 1972)
Il y a donc un avant : Lacan a parlé de transsexualisme, de féminisation. Et un après : Lacan se passe du concept, « à condition de s’en être servi ».
L’avant :
C’est à partir du cas Schreber que Lacan formalise les prémices de ce que sera le concept de pousse-à- la-femme (Le Séminaire, livre III). Il ne se satisfait pas de l’explication freudienne du cas Schreber, qui serait une défense paranoïaque contre une homosexualité refoulée. Cette explication serait du côté d’un sens donné au délire, d’une compréhension. Lacan repère plutôt, dans les étapes de la construction délirante de Schreber, quelque chose qui fait certitude. Reprenons les termes de Schreber : « L’homme doit être la femme permanente de Dieu ». Cette certitude relève d’un hors discours, de la manifestation d’un réel pur, d’une absence de doute qui témoigne d’un refus du symbolique.
Là où n’opère pas la métaphore paternelle :
Le névrosé a affaire à la forclusion généralisée. Mais il la voile. La métaphore paternelle opère. La fonction phallique opère, indiquant, par le manque, la place du sujet.
Le psychotique refuse cette métaphore paternelle. Il s’exclut de la logique phallique. Lacan identifie deux types de refus. Un premier refus serait de l’ordre d’une « négation forclusive », du côté du pas, d’une absence radicale. Un autre refus serait celui de la « négation discordentielle », celui d’un ne explétif (« je crains qu’il ne vienne ») : il se peut qu’il y ait ou non, il s’agit d’une absence relative.
La jouissance côté femme ne comporte-t-elle pas une part non réglée par l’Œdipe, échappant à la logique phallique ? Là où pour la jouissance côté homme, le symbolique fait consister le « tout », mais un « tout peut être dit » (le symbolique) qui ne veut pas dire que ce qui est dit existe.
Cependant, côté femme, on peut se passer du père à condition de s’en servir. Lacan dit ainsi : « toutes les femmes sont folles », une part de la jouissance féminine n’est pas réglée par la métaphore paternelle. Mais il ajoute : « pas folles du tout ». Ce que l’on peut entendre : le tout, elles n’en sont quand même pas folles non plus. L’hystérique peut « faire l’homme », mais cela est du côté de l’imaginaire, imaginaire noué aux autres registres.
Ce n’est pas de cette jouissance-là dont il est question pour le psychotique : lui a affaire à une logique du tout ou rien. C’est tout, ou c’est rien. C’est trop (irruption de jouissance, réel pur), ou c’est le gouffre absolu (défaillance du sujet dans son imaginaire).
Du vide, ou du rien :
Tentons ici une illustration issue de « Maryse devient une petite fille » des Lefort. Maryse, sujet hystérique, repère qu’en laissant des portes ouvertes, elle suscite une crise violente chez le petit Robert, sujet psychotique. Maryse jouit de ce manque qu’elle inflige à l’autre mais d’une façon symbolique, par un jeu de porte laissée ouverte. Robert, cela le déclenche, voire le débranche : la porte ouverte n’est pas manque, n’est pas vide, mais rien. Pas un vide qui peut être rempli, mais du rien qui n’est que pur réel.
C’est de ce rien que naît, pour le psychotique, la nécessité d’un « pousse ». Certains sujets psychotiques ne cessent de créer, d’inventer : voilà les manifestations d’un « pousse à créer ».
Quand le symbolique se rabat sur le réel, le mot sur la chose, le phallus sur le pénis, le manque (symbolique) de la castration sur la privation (réelle), le sexe se confond au biologique. Aujourd’hui, le phénomène trans peut aller jusqu’à des exigences de certains sujets « M to F » (hommes devenus femmes) de devenir mères, de porter un enfant artificiellement à l’aide de la science. Ne peut-on y voir l’illustration d’un « pousse », d’une exigence (certitude?) à ce que sexe et biologique s’équivalent ? Là où le symbolique peut dire tout (universel) mais pas forcément ce qui existe, il s’agit là d’un : c’est dit, alors ça existe.
Le pousse-à-la-femme est donc du registre du réel : il s’agit d’incarner l’objet, dans le réel. Incarner La femme, qui pour le psychotique ne peut être barrée. Cet objet que le psychotique a « dans sa poche », de son côté et non du côté de l’Autre, et dont les tentatives d’extraction peuvent conduire à des actes extrêmes (éviration, suicide, tentatives de trous « réels » par des brûlures de cigarette sur les bras).
A l’heure de la pluralisation des Noms-du-père, qu’en est-il de la pluralité des pousse-à-la-femme ?
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Samedi 21 mai 2022. Horaires: 10h-12h30
Ci-dessous, une introduction par Yves-Claude Stavy à sa conférence « Identités sexuelle freudienne et sexuation lacanienne »
Catégories :Le Blog SC, Session 2022
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