Dans la perspective de la Section clinique 2021 d’Aix-Marseille qui a pour thème « Clinique de l’urgence », Mireille Reille, participante à la Section clinique d’Aix-Marseille, éducatrice spécialisée, témoigne du désir et de la nécessité de formation orientée par la psychanalyse par un texte intitulé « L’institution comme lieu d’exercice pour une éducatrice orientée «
Ma rencontre avec la psychanalyse lacanienne est concomitante à celle de la notion de psychose. J’avais alors 24 ans et finissais l’école d’éducatrice spécialisée à Bruxelles. Là-bas, les travailleurs sociaux, terme générique puisqu’il y avait beaucoup de psychologues, participaient à des groupes de travail, y amenaient des cas travaillés au plus près des dires du sujet. Ils m’ont apporté une première expérience.
Ensuite, j’ai été accueillie par des enseignants de la section clinique à Marseille. Je m’applique à piocher dans cet enseignement, de la théorie et la rigueur des concepts bien sûr, mais aussi des petites choses, divers détails cliniques, qui me permettent des bricolages pour toujours peaufiner la manière d’aborder les sujets que je rencontre en psychiatrie. J’y apprends ainsi la construction de cas, exercice précis et nécessaire pour la transmission de ma clinique.
Une pratique orientée par la psychanalyse n’est pas facile à mettre en œuvre à chaque rencontre. Cet apprentissage me permet de tenir une position qui est toujours à réajuster. Il m’amène à chercher ce qui m’est inconnu. Là où la pratique peut acculer à l’impuissance, la théorie ramène du possible.
Parfois un sujet dit qu’il ne sait pas et ne dit presque rien d’autre. Dans ce cas, comment s’orienter ? Peut-on savoir ce qui ne nous a pas été dit ? Le rapport au savoir et à la parole nécessite une formation continue. N’y a -t-il pas parfois une urgence à répondre ? A comprendre ? Comment remettre la parole dans le camp de celui qui ne dit pas ? S’orienter du réel en jeu requiert de ne pas saturer l’entretien/la rencontre en mettant du sens systématiquement sur les dires et les silences exposés.
En partant de l’hypothèse que le trop est bien plus difficile à supporter que le manque, voire le vide dans certaines structures, je m’aventure dans une clinique où la jouissance domine la romance. J’ai remplacé dans mes questionnements le « pourquoi » par le « comment ». Comment chaque sujet singulièrement trouve ses petits bricolages ? Comment cela tient pour lui ? Comment cela tenait au préalable ?
J’ai travaillé comme éducatrice dans un hôpital de jour pour adolescents, Mathieu se cousait les doigts pendant un atelier. Je le questionne « C’est Mme Reille qui me dit de faire ça. » J’étais surprise d’entendre mon nom mais il ne s’agissait pas de moi, j’ai alors mis Mme Reille dehors, je lui ai expliqué qu’elle n’avait pas le droit de dire à Mathieu de se faire mal. Le garçon a posé l’aiguille. Cette expérimentation m’a permis de comprendre qu’il s’agit de savoir/pouvoir se faire partenaire du sujet pour le soutenir dans ses trouvailles et produire une certaine pacification. A Bruxelles, à proximité du Courtil, des échos en lien à la Pratique à plusieurs se ressentent. Ce jeune homme, arrivé « délinquant », détruisait, il en est reparti « indépendant », voulant construire son autonomie. L’accompagnement proposé par l’équipe soignante l’a soutenu dans cette substitution d’identification à ces signifiants délinquant/ indépendant, ce qui lui a permis de reprendre une scolarité et une vie de famille plus apaisée.
Dans le Préliminaire 8, p.28 Danielle De Vroede cite les Ecrits de Lacan (p392), elle nous apprend que « pour le schizophrène « tout le symbolique est réel » et qu’il lui revient donc de produire « la béance d’un vide » dans le symbolique, chez l’Autre. » Le sujet psychotique est confronté à ce trop de jouissance et tente singulièrement de trouer l’Autre. Je me forme à la SC pour apprendre encore à me mettre en creux, mais en étant présente, à travailler avec ce vide nécessaire mais menaçant.
Face à la violence, on peut être pris par l’urgence pour éviter les coups. L’urgence pour qui ? Pour celui qui saute par la fenêtre ou pour celui qui essaie de l’en empêcher ? Ne pas reculer face à la psychose mais ne pas faire flamber l’autre pour lequel un travail de vidage doit opérer.
J’ai été chef de service éducatif dans une institution où les enfants étaient particulièrement agités. On m’attendait parfois à cette place de chef comme si le symbolique de ma fonction était à chaque fois efficient. Mes paroles devant amener les enfants à entendre l’urgence d’arrêter leur comportement. Je me décalais et restais partenaire du sujet. Plutôt que de sanctionner, je me faisais expliquer ce qui s’était passé. Il nous restait alors à trouver une solution pour que le retour dans le groupe soit possible. Les outils pour ces inventions sont dans l’enseignement de Freud et de Lacan.
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Catégories :Newsletter SC, Session 2021
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