CPCT. Colloque 2019 « Temporalité d’Eros », par Jacques-Alain Miller

En préparation du Colloque Vieillir qui aura lieu le 3 décembre à Marseille, Françoise Haccoun, psychanalyste à Marseille, membre de l‘ECF, consultante au CPCT Marseille-Aubagne a sélectionné un extrait d’Introduction à l’érotique du temps de Jacques-Alain Miller intitulé  » Temporalité d’Eros », publié dans la revue la Cause freudienne,n°56, mars 2004

« D’abord, si l’inconscient ne connaît pas le temps, la libido, elle, connaît le temps. Et tout le monde sait que la libido connaît le temps, c’est-à-dire qu’il y a une temporalité d’éros, au niveau de l’amour, du désir, de la jouissance.

L’amour plus fort que le temps

L’amour est hanté par la question du temps. Il y a la question de Descartes sur le cogito : “je suis, j’existe, mais combien de temps ?” C’est la même chose qui se reporte dans l’amour : “je suis aimable, mais combien de temps ? j’aime, mais combien de temps ?” C’est de là que viennent les mirages de l’amour plus fort que le temps et de l’amour plus fort que la mort. C’est-à-dire que l’amour se déporte sur l’objet éternel, l’objet inaltérable. L’amour est hanté par l’image de l’objet inaltérable. C’est pour ça qu’on a pu imaginer d’associer l’amour et l’éternité, c’est-à-dire cette idée quand même extraordinaire d’aimer Dieu. C’est une idée surréaliste. Le christianisme a poussé le surréalisme bien au-delà d’André Breton justement, en offrant comme image d’amour l’image d’un corps meurtri et même, éventuellement, de cadavre. C’est-à-dire d’un être vivant intra-temporel, qui subit les atteintes du temps, qui est marqué de négativité de toutes les façons possibles, mais qui se trouve transfiguré et élevé au temps 2 jusqu’à l’éternité. Au fond, le Christ vit entièrement, profondément, le temps 1 jusqu’à penser qu’il est possible qu’il ait été abandonné par le père, et c’est dans sa propre misère temporelle qu’il est élevé et transfiguré au temps 2. C’est bien pour ça que le mythe de la résurrection des corps est un mythe nécessaire, qui illustre l’annulation finale du temps.

Temporalité du phallus

Il y a donc une visée d’atemporalité de l’amour, alors que l’expérience, et spécialement l’expérience analytique, enseigne le caractère intermittent du désir comme sexuel. La constance, le caractère indestructible du désir inconscient, est compatible avec les variations de l’investissement de tel objet particulier, et spécialement, en tant que la jouissance a des conséquences sur le désir. Freud disait ça très franchement à propos de ce que c’est que de jouir de l’objet : toute jouissance de l’objet a pour conséquence une baisse de la valeur érotique de l’objet. C’est que la jouissance a une temporalité. Elle a une temporalité de tension dans l’insatisfaction, et de résolution dans la satisfaction. Là, il faut presque entrer dans la phénoménologie du coït, le point de vue de Freud est surtout ordonné sur l’homme, sur le masculin. Chez l’homme, le cycle de la jouissance est parfaitement marqué, c’est-à-dire que la jouissance phallique a un cycle : l’instrument et le siège de la jouissance est un être à éclipses. Donc, du point de vue de l’érotique de l’espace, la jouissance est localisée, mais en même temps, il y a un rapport étroit du phallus et du temps. »

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