SC. Colloque 2019 – Interview – Michel Llorca

 Michel Llorca est pédopsychiatre et a exercé en ITEP, IME et diverses institutions de la protection de l’enfance. Il est actuellement médecin référent en CMPP. En préparation du Colloque Psychiatrie-Psychanalyse des 26-27 septembre, il répond aux questions d’Hélène Casaus, participante à la Section clinique d’Aix-Marseille.

Que pensez-vous de la thématique de ce colloque, qu’évoque-t-il pour vous, en lien avec votre pratique ?

J’ai été formé en tant que médecin psychiatre par Arthur Tatossian, juste avant l’hégémonie du DSM. Je peux témoigner d’une clinique riche, plurielle qui intégrait la dimension philosophique, médicale, institutionnelle et psychanalytique dans sa pratique comme dans son enseignement. Aujourd’hui force est de constater un grand appauvrissement de la pensée médicale dans le domaine de la psychiatrie et de la pédopsychiatrie.

A l ‘heure ou l ‘on ne parle plus de symptômes mais plutôt de troubles et ou le diagnostic est prédictif, fondé sur la statistique et le comportement observable et quantifiable, comment faire vivre la clinique et la préserver du tout neuro selon vous ?

J’ai beaucoup appris des enfants que j’ai rencontrés, aussi bien de ceux qui pouvaient « souffrir » de maladie génétique, de symptômes autistiques, que de problème d’apprentissage. Malgré tout le symptôme résiste à toute volonté totalitaire. Faire vivre la clinique c’est pouvoir avant tout prendre le temps de l’accueil d’une parole singulière. Vient ensuite, dans une équipe, le travail fait ensemble de reprise et de repérage de la structure. Faire vivre la clinique c’est aussi témoigner de sa pratique dans une tentative de transmission d’un enseignement, celui que nous avons tiré de notre travail de déchiffrage de l’inconscient et de ses effets.

Quelle est la place de l’enseignement de Lacan dans votre pratique ? Que souhaiteriez-vous passer comme message aux jeunes pédopsychiatres ?

 « Deux notes sur l’enfant » de Jacques Lacan est pour moi un texte fondamental, à la fois sur l’énoncé théorique et dans ses implications dans la clinique avec l’enfant. Car la clinique avec l’enfant pose la question du symptôme de manière aigüe.

« Dans la conception qu’en élabore Jacques Lacan, le symptôme de l’enfant se trouve en place à répondre à ce qu’il y a de symptomatique dans la structure familiale. Le symptôme, c’est là le fait fondamental de l’expérience analytique, se définit dans ce contexte comme représentant de la vérité. Le symptôme peut représenter la vérité du couple familial. C’est là le cas le plus complexe, mais aussi le plus ouvert à nos interventions. L’articulation se réduit de beaucoup quand le symptôme qui vient dominer ressortit à la subjectivité de la mère. Ici, c’est directement comme corrélatif d’un fantasme que l’enfant est intéressé. La distance entre l’identification à l’idéal du moi et la part prise du désir de la mère, si elle n’a pas de médiation (celle qu’assure normalement la fonction du père) laisse l’enfant ouvert à toutes les prises fantasmatiques. Il devient « l’objet » de la mère, et n’a plus de fonction que de révéler la vérité de cet objet. »[1]

Chacun de nous, en tant que clinicien, est libre de déterminer la place qui lui semble la plus pertinente face aux symptômes des enfants, dans l’éventail ouvert par la psychanalyse. Et cela, non à la place des autres approches, notamment médicale ou morale, mais au-delà. Faire vivre du psychanalyste auprès de l’enfant et de ses parents, permet d’éviter un écrasement du sujet en voie de se construire, sous le feu nourri d’une lecture univoque et réductrice du symptôme.

[1] Deux notes sur l’enfant, revue Ornicar ?, n°37, avril-juin, Navarin éd., 1986, p. 13-14.

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