SC. Colloque 2019 – Interview – Marco Mauas

En préparation du Colloque Psychiatrie- Psychanalyse des 26-27 septembre, Marco Mauas, docteur en médecine, psychanalyste, membre de la New Lacan School et de l’Association mondiale de psychanalyse, répond à quelques questions de Renée Adjiman, enseignante associée de la section clinique d’Aix-Marseille.

Comment comprendre cette affirmation de Lacan : la psychanalyse est l’avenir de la psychiatrie ?

C’est une affirmation de Lacan que je peux essayer déchiffrer. Freud conseillait, face à une énigme, de recourir à une autre énigme et de les frapper l’une contre l’autre. Voici la 2e énigme. Lacan disait aussi : quand on dit de quelqu’un qu’il a le futur assuré, c’est qu’il n’a pas de futur. Alors voyons si l’on peu les frapper un peu. La psychanalyse, elle, n’a pas le futur assuré. On a besoin de désirs vivants pour lui construire un futur, et même ça, ce n’est pas assuré. Le désir vivant, on ne l’achète pas. Les neurosciences, la biologie, par contre, ont un futur assuré par le désir de la science ; or ce n’est pas un désir vivant, mais un désir aveugle, qui a besoin de l’angoisse des savants, des scientifiques.

« Que peut-il se passer pour l’humanité si j’ai du succès avec cet essai de produire un virus de grippe aviaire transmissible et utilisable hors du laboratoire ? » ou encore « Qu’en est-il d’une substance capable d’effacer les mémoires ? » « La faiblesse du désir vivant, toujours menacé, toujours en question, est ce qui pourrait donner un futur à la psychiatrie, menacée dans son futur par le futur assuré de la science.

Pourquoi Lacan nous invite-t-il à refuser de comprendre ce que les patients nous disent ?

C’est une invitation de Lacan, et là aussi, je peux essayer de trouver sa logique. Je n’ai pas entendu cette invitation de Lacan adressée à moi personnellement. Néanmoins, je la trouve, non seulement intéressante, mais aussi très tranquillisante. Pour quelle raison ? La première chose qui surgit est le « sapere aude », « ose savoir ! » du siècle des lumières. Cette injonction est peut-être proche de l’invitation de Lacan. On n’exige pas de toi un savoir préétabli, face aux dires des patients. Personne ne pourra juger ton acte, tout ce qui te précède est à mettre en suspens, au second plan, face aux dires de celui qui parle avec toi. Même le savoir, peut être un obstacle, parce qu’on ne sait pas si ce dont tu auras besoin, c’est un savoir, ou ce qu’on appelle en bon français, un « savoir-faire » ou encore un « savoir-y-faire » ce qu’en espagnol on appelle joliment « saber a que atenerse ». Savoir comme celui du marin face aux imprévus de la nature. Si c’est le cas, qu’il y a quelque chose de plus sûr, de plus certain, de plus réel – comme on dit – que la compréhension, tu devrais être prêt.

Conclusion : ça tranquillise parce que Lacan nous fait confiance, en un certain sens. Et ça a de la logique d’un au-delà de ce qu’on croit connaître du mot « comprendre ».

Accueillir le délire n’est-ce pas délirer avec le malade ?

Pas nécessairement. On peut accueillir un délire sans y adhérer. C’est ça le pas fondamental de Freud avec le Président Schreber et cette question, peut montrer à quel point Freud a été un événement pour l’humanité, comme dit Lacan. Freud interprète le délire de Schreber, c’est-à-dire, transporte le délire sur les coordonnées qu’il a inventées, Pour mesurer sa relation avec la vérité … de Schreber, Freud, a inventé des coordonnées pour la vérité subjective de chacun ! Est-ce possible ?  Cette idée lui paraît pas moins folle que le délire de Schreber, Freud le dit noir sur blanc. Mais cette difficulté pour distinguer les deux est précisément ce qui pourrait soutenir l’affirmation que Freud n’adhère pas au délire du Président. Freud n’adhère pas non plus complètement à sa propre construction. La construction est très bien en place pour poser les questions liées au délire et aussi a son pronostic, ses limites, ses bords, ses conditions économiques. Si la psychose est hors discours, mais pas hors langage, comme disait Lacan, la construction freudienne accueille le discours, sans pourtant y adhérer.

Que pourriez-vous dire de votre expérience de la présentation de malade ?

Que c’est une expérience du réel. C’est transmissible sans pourtant pouvoir être soumis à un accord collectif. Elle est centrée sur le dire du malade, du patient qui donne son accord pour répondre et pour parler face à un public d’auditeurs qu’il ne connaît pas. En 1996, à Angers, lors d’un colloque des Sections cliniques, j’ai posé la question à Jacques Alain Miller, s’il mettait la présentation de malades du côté de savoir supposé ou de savoir exposé. Il me donna une réponse très enseignante, que je recommande de lire (c’est publié dans le volume de ce colloque à Angers). J.-A. Miller a situé dans sa réponse la présentation de malades en parallèle avec la passe. C’est-à-dire, l’expérience de parler en exposant son propre cas. Comme dans la passe, toute assertion est, plutôt qu’un jugement, un essai de constatation, une approche. Mais cet approche est très enseignante, parce que c’est un effort pour entrer dans la zone de la question, aussi lacanienne : « Comment faire pour enseigner ce qui ne s’enseigne pas ? »

Le programme et la liste des intervenants

Je m’inscris au colloque



Catégories :Colloque Psychiatrie-Psychanalyse