SC. Colloque 2019 – Interview – Claude Viret

Claude Viret est psychiatre, psychanalyste, membre de l’École de la Cause freudienne et de l’Association mondiale de psychanalyse et enseignant à l’Antenne clinique de Dijon. En préparation du Colloque Psychiatrie- Psychanalyse des 26-27 septembre, il répond à la question d’Elisabeth Pontier, enseignante à la Section clinique d’Aix-Marseille: Pourquoi notre orientation ne souscrit-elle pas au concept d’état-limite ?

Vivre ensemble en étant séparé

Cette question de Balzac, « comment vivre ensemble tout en étant séparé ? » concerne aussi bien la psychiatrie que la psychanalyse. Pour Jacques Lacan, dans la cure, il s’agit de viser la séparation de I, « grand I de l’Idéal » et de a « l’objet a » à partir de l’interprétation. Pour la psychiatrie depuis la création des hôpitaux de la Salpêtrière et de Bicêtre, par une ordonnance de 1650, qui a pour projet de recueillir dans le cadre d’une mesure de police, les hommes et les femmes présentant des troubles persistants du comportement social, quel qu’en fût la nature. Avec comme conséquence l’émergence du couple : aliéniste / aliéné.

Dans les années 1920 à l’initiative de quelques psychanalystes, à côté de ces services fermés, sera créé un service ouvert pour la première fois en France à l’Hôpital Saint Anne. Un service qui prenait en charge une clinique du rien, c’est-à-dire de ce qui n’est pas arrivé, à savoir les névroses. Les services fermés traitaient les conséquences comportementales de l’encéphalite syphilitique et de la grippe espagnole. Clinique qui oubliait son lien au désir, au sexe, à la mort, à la pulsion de mort pour ne retenir qu’un lien causal : l’encéphalite et ses conséquences comportementales, qui reste le modèle de la recherche psychiatrique cent ans après. Comme la tuberculose pour les psychotropes. Le point essentiel de cette clinique porte sur la notion de compréhension. Ce modèle permet de comprendre, et a pour exigence de transmettre cette compréhension au patient comme garantie de son efficacité. Le dispositif vaudra aussi bien pour l’éducatif que le pédagogique.

Pourtant d’emblée les psychiatres se sont intéressés aux troubles du langage de l’aliéné. Ils ont montré que l’hallucination est un processus psychique- ce que De Clérambault, à partir des dires du patient, va distinguer les quérulents et les interprétatifs. Ne pas comprendre c’est donc laisser une chance à ce qu’advienne cette langue privée du sujet, où pourra se saisir son destin et la possibilité, par petites touches, de l’orienter. Une clinique doit alors resituer cette parole et ses dimensions articulées au langage et au corps. Cela transparaît ainsi avec finesse dans la description de la « personnalité borderline ». La Santé Mentale va évacuer cette finesse en ne retenant que le terme de « Borderline » tout en reconnaissant en 1999, avec la notion de Santé Mentale positive (notion qui a disparu) le bricolage d’un sujet non guéri qui lui permettait de s’inscrire dans la société. En l’opposant à sa forme négative qui nécessitait l’intervention de l’État. Réduisant la clinique à deux pathologies : l’alcoolisme et la schizophrénie. Ce que l’on retrouve à notre époque avec un nouveau binaire :  d’un côté le borderline où se situe l’addiction et de l’autre côté l’autisme, selon le modèle de l’encéphalite. C’est à dire d’une lésion liée à un déficit. Ainsi l’enfant rêveur devient celui qui a un déficit de l’attention dans le cadre d’un diagnostic dimensionnel. On conclura que l’enfant est plus ou moins déficitaire après avoir répondu à des tests. Ce diagnostic s’oppose au diagnostic médical classique catégoriel. Si le diagnostic dimensionnel indique la domination des Associations Psychologiques Américaines sur celles de Psychiatrie, pour la psychanalyse ce dimensionnel pourrait avoir à un nom : la pratique à plusieurs, où le sujet – enfant, adolescent, adulte – est au centre de la réflexion. Cela nous rappelle que psychanalyse et psychiatrie sont des pratiques de l’accueil de demandes singulières. À ces demandes se substitue actuellement une demande de l’État au moyen du Chiffrage, dans une nouvelle mise en ordre proche du Réel et de ses effets mais sans en passer par le corps. La gestion de ce chiffrage peut cependant entraîner des désordres graves. Ainsi la pénurie récente de certains médicaments a pu entraîner des rechutes mélancoliques sévères de la simple solution de continuité apparue. Le psychiatre comme le psychanalyste sont confrontés à ces enjeux par une prise compte de la logique des faits et non d’un enseignement de l’histoire de leurs pratiques. Cet enseignement n’a jamais eu d’effet.

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