CEREDA. ACF MAP. Retour sur la journée de travail du 13 octobre avec Christine Maugin

Par Isabelle Fragiacomo et Elsa Lamberty – Le samedi 13 octobre 2018, le groupe CEREDA de Gap Un Bon petit diable en partenariat avec le bureau de ville Gap-Manosque de l’ACF MAP accueillait Christine Maugin, psychanalyste à La Roche-sur-Yon, membre de l’ECF et de l’AMP et coordonnatrice de la diagonale francophone du Nouveau Réseau CEREDA, pour une journée de travail en deux temps, un atelier clinique sur invitation le matin, une conférence tout public l’après-midi.

En atelier clinique, Christine Maugin a proposé une lecture des trois travaux présentés, soulignant « l’importance d’être au plus près de ce que dit l’enfant ».

Anne Deu, a parlé d’un cas de sa pratique de psychologue, ce jeune garçon Rayan dont personne ne pouvait dire autre chose de lui que « c’est un enfant violent ». Le pas de côté d’Anne fut de l’accueillir sans ce signifiant, permettant ainsi à l’enfant de parler de la haine qui le déborde dans son corps. Le second acte de la praticienne fut d’effectuer un allégement du signifiant en s’exclamant : « c’est ma fête aujourd’hui ! » lorsque Rayan se montre haineux en séance. Elle accueille avec douceur, sans s’attaquer de front à la violence de cet enfant qui peut, au fil du temps, s’apaiser à l’école.

Isabelle Fragiacomo, psychologue et membre ACF-MAP, a présenté le cas d’Ennio, assigné au signifiant « méchant » et dont le travail avec Isabelle lui permet de dire l’en-trop qu’il a dans son corps, un « virus » qui signe dès lors sa psychose. Cette certitude est entamée du fait de la position de la praticienne qui « prend au sérieux tout en émettant un doute discret, décomplétant ainsi la certitude et introduisant une séparation » souligne C. Maugin. Ennio s’apaise et construit un parc en séance, travail de construction de bords et de trous qui localisent sa jouissance.

Carine Thieux, psychologue et membre ACF-MAP, a travaillé autour d’une lecture de l’ouvrage « Un singulier garçon » de Kate Summerscale[1]. Christine Maugin évoque le crime des sœurs Papin où s’acte dans le réel une extraction de l’objet regard dans l’Autre. Ici, le jeune Robert tue sa mère pour apaiser les voix qui l’assaillent. Carine évoque l’importance, dans cette Angleterre du XIXe siècle, d’un accueil de ce jeune homme en psychiatrie, présentant de nombreux points communs avec la « Pratique à plusieurs ». Ces travaux montrent comment d’un en-trop, que signe la violence, le point d’appui du transfert avec le praticien, ou une institution, qui accueille avec douceur permet une élaboration inventive pour tenir dans le monde.

E. L.

Auprès du public réuni pour sa conférence, C. Maugin a fait valoir la pure exigence de satisfaction de la pulsion, lorsque le langage n’a pu opérer de castration symbolique pour qu’un symptôme se constitue. Elle a aussi déplié l’opposition entre « acting-out », temps long de la monstration, et « passage à l’acte », moment de rupture, de sortie de la scène. Si le sujet en sort vivant, il n’est plus tout à fait le même. Moment d’urgence subjective d’un « non » proféré à l’Autre, pure satisfaction de la pulsion dans le réel, le passage à l’acte est toutefois un appel à l’acte salvateur qui puisse rétablir une phrase là où c’est hors-sens.

L’insulte permet de repérer cette fonction d’avoir à se séparer dans l’urgence de son propre être d’objet indicible et innommable, en l’envoyant à la figure de l’autre. Cet exemple permet aussi de repérer comment ancrer à nouveau des bouts de langage dans un discours. Les battle-rap en offrent une illustration passionnante.

J’ai été particulièrement touchée par la délicatesse de Christine Maugin précisant ce point avancé par Jacques-Alain Miller dans le texte « Enfants violents » : « L’analyste doit, à mon avis, procéder avec l’enfant violent de préférence par la douceur ». L’analyste à l’envers des modalités éducatives classiques, n’assène pas un « non », mais invente un « non » avec son corps, sans le proférer. Cet acte relève du repérage du rapport éminemment singulier à la langue de chaque-un. Lorsque la langue frappe le corps au point où il n’y ait d’autre issue que de sortir de la scène, le « non » et ses variantes éducatives comme « le cadre » sont inopérants, mais surtout, ils redoublent la frappe du langage sur le corps. Prendre au sérieux l’impact du langage sur le corps, c’est notre orientation !

I. F.

[1] Summerscale K., Un singulier garçon, l’incroyable destin d’un enfant matricide à l’époque victorienne (Christian Bourgeois, 2016)



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