Retour sur la conférence de Gil Caroz : « Un impossible transfert »

Par P. Falicon – Lors de cette conférence de l’ACF MAP du 11 juin, la question : « Comment s’instaure le transfert dans une cure quand vient au premier plan une jouissance sans adresse ? » trouve sa racine et son éclairage dans la distinction très précise de Gil Caroz entre deux approches du corps et finalement deux régimes de jouissances.

Pour lire l’argument de Gil Caroz et la présentation de la conférence, cliquer ici.

Un nouveau régime des corps au XXIe siècle

Une première approche, considère le corps déterminé par l’imaginaire et le symbolique, une deuxième, le corps déterminé par le Réel.

Le corps au miroir de la période classique de la psychanalyse

Avec la première approche nous avons affaire à un corps unifié en référence au stade du miroir. La bonne forme s’obtient par la mise en place de la castration qui négative la jouissance et a comme conséquence l’organisation de la jouissance autour des zones érogènes. Le corps est alors corrélé à l’amour narcissique et au phallus. Le corps de l’hystérique, chez qui le symptôme est un message par lequel le corps parle et dit la vérité de l’inconscient, illustre exemplairement cette approche du corps en lien avec les avancées Freudienne et le premier et le deuxième Lacan.

Face au défi du monde liquide actuel et de la mise en avant de l’impératif de jouissance, le régime des corps apparait tout à fait différent. Le corps contemporain est plutôt le corps réel.

Le corps réel au XXIe siècle

Le point inouï jusqu’à aujourd’hui est que c’est le point de réel qui est premier et qui précède l’imaginaire et le symbolique. Le langage ne vient plus pacifier la jouissance mais bien au contraire, il est effet de jouissance par l’usage de lalangue, hors signification. Ceci est lié à ce qui ne se voit pas du corps. La parole est vectrice de jouissance.

Quid du transfert aujourd’hui ?

Or, parler est au cœur de la cure analytique. Comment, avec ce constat d’une parole au service de la jouissance et non de la vérité établir le transfert ? La jouissance s’attaque en effet à l’amour de transfert. Cet amour qui devait permettre – selon l’approche classique de Lacan – à la jouissance de condescendre au désir. Comment mener une cure quand il n’y a que jouissance sans adresse et que cela concerne le corps ? Cela interroge la clinique du point de capiton qui vise l’interprétation à partir de la mise en place du transfert. Une nouvelle clinique continuiste se fait jour, qui s’efforce de faire lien. Une nouvelle visée règle la cure : il s’agit d’instaurer un nouage différent du corps par l’effet de nomination de jouissance. Cette clinique des « bouts » de jouissance permet un appareillage du corps. Il y faut un nouveau mode de présence de l’analyste ce dont témoigne le cas présenté par Gil Caroz. Le psychanalyste est alors un clinicien mais, bien plus, au-delà, un homme d’action. En cela il rejoint la politique de la psychanalyse dans le monde contemporain.

Pierre Falicon



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