Le 7 janvier se réunissaient celles et ceux que le cartel interpelle, sous le titre Tu veux savoir ! Élaboration provoquée en cartel : quels effets ? L’assemblée de cette matinée regroupait des novices et des vétérans, tous aspirant au cartel. La rencontre, ouverte au débat, aux questions, aux témoignages de la salle, se sera conclue par un tirage au sort et la constitution de cartels.
L’intérêt qu’on porte au cartel est connoté d’un intérêt pour l’École, le cartel étant un organe intrinsèquement lié à son fonctionnement. Ajusté à la logique du discours analytique, c’est aussi un lieu de formation où s’élaborent autant de lectures qu’il y aura de lecteurs, qui, « psychanalystes ou non, s’intéressent à la psychanalyse en acte[1]». Sa spécificité est celle de l’essaim qui articule le singulier, puisque chacun y entre avec ses insignes et son rapport au travail, et le collectif qui n’est pas sans produire d’effets sur la mise au travail.
Le rôle du plus-un y est essentiel en tant qu’il est un agent provocateur du savoir, et c’est ce que Dominique Pasco aura pu faire entendre lors de cette matinée. Agent provocateur de savoir mais aussi pousse-à-produire, pousse à sortir de la position d’un qui s’enseigne à celle d’un qui tire des conséquences de ce savoir. Les productions des cartellisants peuvent prendre des formes variées – Dominique Pasco a ainsi évoqué le cartel fulgurant qui a des effets de tourbillon – et originales quant à leur mise à ciel ouvert (des publications, des interventions certes mais aussi des témoignages vidéos par exemple).
Deux cartellisants y ont mis du leur pour transmettre chacun la singularité de leur expérience. L’intervention d’Hélène Casaus comportait deux temps forts sur les conséquences de son parcours, d’un cartel à l’autre. Le premier touche à son désir de savoir, initié sous les auspices du je ne sais et du je vais y réfléchir auquel le travail en essaim a fait barrage pour ouvrir à ce constat : « Rien à découvrir donc, tout à inventer, chaque cartellisant s’autorise et travaille, à partir de là où il en est de ses lectures de la psychanalyse. » Le second point expose son élan à poursuivre ce travail, afin de « maintenir un lien vivant à la psychanalyse, avec les autres » car « le cartel constitue un point d’appui pour s’élancer, avec son symptôme, dans les textes qui souvent paraissent arides ». Concluant sur les effets de sa pratique clinique, Hélène Casaus a cédé la parole à Quentin Meynaud sur ce thème. Il a quant à lui, mis l’accent sur l’intérêt de balises théoriques pour en extraire un savoir clinique. « La psychanalyse nous enseigne comment le rapport au corps est une construction complexe dont les errements peuvent être source de troubles pour les sujets contemporains. » Ainsi, deux axes théoriques ont été évoqués. Une lecture du stade du miroir[2], tel que Lacan le déploie, ouvre à saisir « ce que vit le sujet lorsque quelque chose achoppe lors de cette étape constitutive du sujet ». Quentin Meynaud nous a ensuite entraînés à faire un pas vers le dernier enseignement de Lacan relatif aux effets du langage sur le corps et des conséquences cliniques qui s’en déduisent : « repérer ce qui, pour un sujet, fait tenir le corps car cela reflète son mode d’être au monde » n’est pas sans conséquences sur son exercice de pédopsychiatre. Il nous indique faire usage de cet enseignement, mis aux commandes lors de son intervention, pour s’orienter dans le traitement des enfants hospitalisés dans son service, mais il nous démontre aussi combien le concept est précieux pour traiter le désordre au niveau du corps et du lien spécifique aux sujets contemporains.
Au-delà des balises formelles du cartel, qui ont été rappelées en ouverture, la matinée a mis l’accent sur cette mission du cartel : remettre toujours le savoir sur le métier, comme le faisaient jadis les artisans. Il lui revient de contribuer à élaborer la logique du savoir et de vérifier qu’elle puisse rendre compte des questions cruciales qui traversent l’époque au fil des décennies.
Sylvie Berkane-Goumet, déléguée aux cartels
[1] Lacan J., « Acte de fondation », 1964, Autre écrits, Paris, Seuil, Coll. Le Champ Freudien, 2001, p.240.
[2] Lacan J., « Le stade du miroir comme formateur de la fonction du Je telle qu’elle nous est révélée dans l’expérience psychanalytique », Écrits, Paris, Seuil, coll. Champ Freudien, 1966, p.97
Renseignements: acf.dr-map-cartels@causefreudienne.org
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