La Section Clinique d’Aix Marseille, propose un après-midi et deux matinées de formation intitulés « Extensions vers les institutions – Comment faire en institution avec le mal-être contemporain ? ». Chaque demi-journée traite d’un thème d’actualité clinique qui intéresse la pratique en institution.Présidées par Hervé Castanet, coordinateur de la Section clinique d’Aix-Marseille, elles se déroulent en deux temps : 1/ Exposés cliniques des enseignants de la Section Clinique d’Aix-Marseille : Sylvie Berkane Goumet, Françoise Haccoun, Dominique Pasco, Élisabeth Pontier et Patrick Roux. Discussion. 2/ Conversation avec des invités spécialisés dans la question traitée. Discussion avec les participants. 1er rendez-vous en visioconférence, vendredi 4 février de 14h à 17h30 sous le titre « Ceux qui sont addicts« .
Quelle est notre orientation ? Ces formations visent l’apport de concepts et d’éclairages cliniques utiles à la pratique en institution, sans oublier de favoriser les échanges entre professionnels. Les concepts de la psychanalyse sont pensés parfois comme abstraits, éloignés de la clinique quotidienne. À rebours de cette critique, l’enjeu de ces trois Extensions est de montrer en quoi et comment les concepts de la psychanalyse sont des outils pour s’orienter. En ces temps où l’on voudrait croire que tout mal-être trouve sa cause dans les mécanismes neuronaux du cerveau, la psychanalyse affirme aussi la présence du sujet. Or le sujet ne parle pas dans le vide. « Qu’elle se veuille agent de guérison, de formation ou de sondage, la psychanalyse n’a qu’un médium : la parole du patient. L’évidence n’excuse pas qu’on le néglige. Or toute parole appelle une réponse » (Lacan, 1953). Laquelle ? Loin des recettes toutes faites, des standards, nous proposerons, à partir de cas singuliers, des réponses élaborées à partir d’une clinique orientée par l’écoute. Tout clinicien en institution (psychiatre, psychologue, infirmier, assistante sociale, éducateur, psychomotricien, etc.) y trouvera matière à interroger sa pratique.
Enseignants:
Hervé Castanet, psychanalyste, membre de l’École de la Cause freudienne et de l’Association mondiale de psychanalyse, professeur des universités.
Sylvie Berkane Goumet, psychanalyste, membre de l’ECF et de l’AMP, DEA de psychanalyse, Paris 8.
Françoise Haccoun, psychanalyste à Marseille, membre de l’ECF et de l’AMP, doctorat de psychologie clinique.
Dominique Pasco, psychanalyste, membre de l’ECF et de l’AMP, psychologue hospitalière, master 2 de recherche en psychopathologie et champs cliniques (Rennes 2).
Élisabeth Pontier, psychanalyste, membre de l’ECF et de l’AMP, psychologue hospitalière, master 2 de psychanalyse, Paris 8.
Patrick Roux, psychanalyste, membre de l’ECF et de l’AMP, psychologue clinicien, DEA de psychanalyse, Paris 8.
Télécharger le bulletin d’inscription
Renseignement et inscription : Tel: 06 76 75 20 91 et extensions.sc.2022@gmail.com
#1 – Vendredi 04 février: Ceux qui sont « addicts«
L’addiction est un mal contemporain alimenté par la multiplication des objets de consommation. Freud et Lacan nous ont enseigné que la dépendance est de structure, elle permet le lien à l’autre dès les premiers jours de l’existence. L’offre et la demande sont des noms de l’aliénation à l’autre. Or, la surconsommation, à laquelle nous invite la loi des marchés, renforce une jouissance autiste qui se passe de l’autre et de l’Autre, jouissance solitaire, hors discours dont les effets d’aliénation dépassent largement le rapport du sujet à ceux qui l’entourent. C’est en quoi l’addiction peut être entendue comme une maladie de l’Autre, une pathologie qui porte atteinte au lien à l’autre.
Le terme même d’addiction arase la dimension symptomatique. C’est moins l’addiction à un produit que ses conséquences qui poussent les sujets à s’adresser à un dispositif de soins. Le rapport à l’objet de dépendance est au mieux interrogé au titre de la répétition, il est rarement subjectivé.
Mettre des mots sur la compulsion de répétition, sur l’expérience singulière qui s’inscrit dans l’histoire du sujet, sur le lien intime à un produit spécifique permet d’élever l’addiction à la dignité d’un symptôme c’est-à-dire d’une question. La clinique fondée sur la parole au un par un, offre au sujet la possibilité de se faire responsable de son addiction et, éventuellement de trouver sa propre solution.
Programme:
– 5 exposés cliniques issus de la pratique en institutions + discussion
Faire l’homme par Sylvie Berkane-Goumet: Pour Conrad ses alcoolisations sont une énigme, interprétée à tort par l’équipe comme une résistance, ce qui remet en cause sa prise en charge. L’enjeu de ce cas, reçu sur un temps limité, n’est pas tant d’éclairer le patient – nul besoin de lever l’énigme pour obtenir des effets. Il s’agit plutôt d’orienter son suivi par l’équipe.
En rupture par Françoise Haccoun/ Bernard est suivi en CHRS. Alcools, drogues et toxiques multiples sont ses « partenaires » de jouissance. Hospitalisations, incarcération et rue le projettent hors de la scène sociale, « abandonné par l’Autre ». Sa prise en charge institutionnelle a la fonction de point d’arrêt : elle le met à l’abri de sa pulsion de mort, au-delà de sa toxicomanie. Parler lui sera bénéfique, une modalité de « substituer à la drogue la parole-jouissance[1] ». J.-A. Miller, « L’Autre qui n’existe pas et ses comités d’éthique », séance du 2 avril 1997.
Une addiction aux benzodiazépines par Dominique Pasco Nadine s’adresse au CMP en raison d’une angoisse persistante et invalidante qu’elle traite sans succès depuis six ans par une surconsommation de benzodiazépines. La prise en charge sera plurielle et s’oriente de l’élucidation de ce que désigne l’angoisse pour ce sujet. Est-elle affect ou nom d’un symptôme opérant un nouage entre réel et imaginaire faisant bord au risque suicidaire ?
« Jusqu’au trou noir » par Élisabeth Pontier: Claude a demandé une hospitalisation en service psychiatrique dans l’attente de sa place en cure de désintoxication. Éclairer la fonction de cet alcoolisme sévère pourrait s’avérer précieux pour l’orientation des soins.
Une addiction inavouable par Patrick Roux Il s’agit de cerner ce moment clinique où le sujet verbalise – non sans mal – le symptôme d’addiction qui le fait souffrir. Temps initial de construction du symptôme, masqué jusque-là sous une plainte plus présentable et affrontement à la honte.
– Conversation avec : Mathieu Pariggi, Praticien hospitalier, chef de service, psychiatre et addictologue au CH. Valvert. et Claude Fontanarava, Spécialiste des toxicomanies et addictologies, il a été administrateur de la F3A (Fédération des Acteurs de l’Alcoologie et de l’Addictologie), Praticien Hospitalier, responsable d’une équipe de liaison au CHU Nord, directeur d’un des premiers CSAPA.
Citation: Sigmund Freud, « Le Malaise dans la civilisation » [1930], Écrits philosophiques et littéraires, Opus Seuil, 2015, p. 1476.
« L’action des stupéfiants, dans le combat pour le bonheur et pour tenir la détresse à distance, est estimée comme un bienfait au point qu’individus et peuples lui ont ménagé un poste fixe dans leur économie libidinale. On leur sait grâce non seulement du plaisir immédiat qu’ils procurent, mais aussi d’une portion, ardemment convoitée, d’indépendance par rapport au monde extérieur. On le sait bien, avec l’aide du « brise-soucis », l’on peut à tout moment se soustraire à la pression de la réalité et se réfugier dans un monde à soi, aux meilleures conditions de sensation. Il est connu que c’est justement cette propriété des stupéfiants qui constitue leur danger et leur nocivité. C’est éventuellement leur faute si de grandes quantités d’énergie, qui pourraient être utilisées à améliorer la condition humaine, se perdent inutilement. »
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# 2 – Vendredi 03 juin 2022 : Ceux qui éprouvent un désordre au niveau du corps et du lien
Pour la psychanalyse, le corps chez l’humain, ne se réduit pas à son évidence observable, pas plus qu’à l’organisme qui en assure le fonctionnement et veille au « silence des organes ». Le corps est le produit d’une construction, mixte:
* de symbolique : effets des mots qui l’ont marqué, segmenté
* d’imaginaire : l’image du semblable constitutive du moi.
* et de réel : ce qui tient du vivant.
Cet assemblage est éminemment sensible à l’empreinte de l’Autre. Freud en son temps, pensait les zones érogènes comme des bords, des lieux-frontières en prise avec la demande de l’Autre, voire modelés par elle. Les lieux du corps sont articulés aux liens inauguraux de son histoire (1). Lieux et liens sont intimement noués. Lacan ajoute une dimension cruciale dans la manière dont une institution à vocation thérapeutique, sociale ou éducative appréhende et traite le corps des sujets qu’elle accueille : la jouissance. « Un corps est fait pour jouir, pour jouir de soi-même »(2), souligne-t-il. Cette indication permet d’ordonner plusieurs traits cliniques, tout en pointant une certaine opacité du corps propre – recouverte le plus souvent par le sentiment de « propriété » – car la jouissance reste ce qu’il y a de plus énigmatique chez le parlêtre. Tenir compte de cette exigence du corps donne une orientation clinique et modifie la façon dont on traite les sujets souffrants. « La pudeur du corps, par exemple, n’implique pas seulement que l’autre ne doive pas le voir ; ce qui importe est que l’on ne doit pas jouir de voir le corps. »(3) Qu’en est-il des douleurs rebelles ? Des phénomènes de corps ? Des expériences délirantes impliquant tel ou tel membre ? Autant de questions qui feront l’objet de cette rencontre dédiée aux institutions qui accueillent ceux qui éprouvent un désordre au niveau du corps et du lien.(1) Cf. Pennac Daniel, Journal d’un corps, Gallimard, 2012.
(2) Lacan, J. « Psychanalyse et médecine », Lettres de l’École freudienne de Paris, 1967, N°1. p. 42.
(3) Miller J.-A., L’image du corps en psychanalyse, La Cause freudienne, N°68, pages 94 à 104.
# 3 – Vendredi 30 septembre: Ceux qui rencontrent le harcèlement (à l’école, au travail, en institution, sur les réseaux, dans la vie intime)
Le harcèlement est un signifiant des formes actuelles du malaise dans la civilisation. Harcèlement moral, physique, scolaire, sexuel ou professionnel, partout s’exercent violence, haine ou agressivité, aucun champ du lien social n’est épargné. Avec l’avènement du numérique, la promotion de l’image et l’anonymat permis, les voies possibles d’expression de la haine et de la jouissance destructrice se démultiplient. Le sujet contemporain, de plus en plus isolé peut devenir la proie potentielle d’individus ou de groupes qui trouvent là un débouché à l’expression de leur rejet de la différence. Le harcèlement est désormais inscrit par le droit civil et puni par la loi, cependant si le recours à la justice est bien nécessaire pour sortir du silence et faire limite, il ne semble pas suffire au sujet pour résorber sa souffrance, la trace des violences subies. Victime ou bourreau, ce n’est pas du pareil au même, mais pour chacun il y a toujours souffrance avec ses conséquences délétères : risques de passage à l’acte, de sortie de scène, dépression, décompensation, désarrimage, isolement radical, errance, phobies et symptômes. Attentives au hasard et à la contingence qui font qu’un sujet puisse devenir un objet de haine, institutions et pratiques libérales accueillent de plus en plus le sujet en souffrance. Dès lors, l’enjeu clinique est de rendre possible une mise sur la parole pour que le sujet puisse élucider les sentiments contradictoires qui le traversent ou l’ont traversé et les ordonner dans un dire. « C’est dans cet acte qu’il renouera avec sa qualité de sujet, transformant ainsi le traumatisme subi en un événement assumable. »(1) Comment ? Nous y répondrons au un par un des cas cliniques éclairés par les outils conceptuels.
(1) Dupont Laurent, Forum Campus Psy – “Ce qui nous regarde”, https://www.causefreudienne.net/event/forum-campus-psy-ce-qui-nous-regarde/
Horaires: 14h à 17h30 –
Tarifs:
Prise en charge par l’institution – L’ensemble de la formation : 150 € ( Marseille-Toulon-Aix) ; la demi-journée : 50 €.
À titre personnel – Les trois demi-journées : 90 €. La demi-journée : 30 €
Catégories :Le Blog SC, Session 2022
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