En préparation du Colloque Vieillir qui aura lieu le 3 décembre à Marseille, Philippe Devesa, psychologue clinicien, consultant au CPCT Marseille-Aubagne nous livre ce texte intitulé » A propos de l’inconscient ne connait pas le temps« .
« A chaque minute nous sommes écrasés par l’idée et la sensation du temps. Et il n’y a que deux moyens pour échapper à ce cauchemar, – le Plaisir et le Travail. Le plaisir nous use. Le travail nous fortifie. Choisissons.
Plus nous nous servons d’un de ces moyens, plus l’autre nous inspire de répugnance.
On ne peut oublier le temps qu’en s’en servant. Tout ne se fait que peu à peu.[1] »
C’est dans la quatrième de couverture du livre « Vieillir aujourd’hui. Perspectives cliniques et politiques[2] » que nous trouvons l’énoncé suivant : « Le vieillissement est avant tout une expérience subjective ». Le sujet, quel que soit son âge est toujours aux prises avec son inconscient et son désir, « un désir intemporel ».
Que nous enseigne la psychanalyse ? En tant que pratique de parole, Freud nous a appris que l’inconscient est un savoir auquel on accède par la voie royale du rêve ; il parle et dit la vérité. Dans son article sur « L’inconscient », Freud pose qu’il n’y a dans ce système « ni négation, ni doute, ni degré dans la certitude (…). Les processus du système inconscient sont intemporels, c’est-à-dire qu’ils ne sont pas ordonnés dans le temps, ne sont pas modifiés par l’écoulement du temps, n’ont aucune relation avec le temps.[3] »
En effet, l’inconscient est histoire, il répète inlassablement toujours le même quel que soit le temps passé, il abolit le hasard. Cela ne veut pas dire que le temps n’a aucun effet sur le sujet, ne serait-ce que sur le plan biologique.
Freud a invité l’analyste à ne pas tenir compte du temps « à se comporter tout aussi hors-temps que l’inconscient lui-même s’il veut apprendre à obtenir quoi que ce soit[4] ». Ainsi, la séance analytique a partie liée avec le temps, elle est une « manœuvre essentielle avec le temps[5] ». Il s’agit de dévoiler les processus inconscients intemporels en les faisant advenir à la temporalité propre au sujet, une temporalité qui s’articule au langage. Si l’inconscient ne connait pas le temps, c’est qu’il met en scène un autre temps que le temps historisé. Par contre l’inconscient connait l’espace, Freud en a dressé une cartographie, il a fait des topiques. L’inconscient freudien n’a rien à voir avec l’être, ni l’intime. Il s’attrape au ras du discours, dans la langue qui fourche, dans les manières d’aimer et de vouloir être aimé pour chacun, quel que soit son âge.
La psychanalyse ne recule pas face au réel de la vieillesse. Chacun trouve un bricolage pour faire face aux difficultés liées à l’âge. Elle ne répond pas pour autant du côté du savoir. Elle fait le pari que le sujet quel que soit son âge est toujours aux prises avec son inconscient et son désir.
[1]Charles Baudelaire, « Hygiène », Œuvres complètes, Editions Robert Laffont, Paris, 1980, p. 401
[2] Vieillir aujourd’hui. Perspectives cliniques et politiques. Champ social Éditions, Nîmes, 2019
[3] Sigmund Freud, « L’inconscient », Métapsychologie, Gallimard, Paris, 2003, p. 96
[4] Sigmund Freud, « Extrait de l’histoire d’une névrose infantile. (L’homme aux loups) », Cinq psychanalyses, PUF, Paris, 1995, p. 328
[5] Jacques-Alain Miller, « L’érotique du temps », Revue de la Cause freudienne n°56, La séance courte, Paris, Navarin Editeur, p. 71
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