SC. Propédeutique : les cours théoriques

Du cas Schreber à l’autisme en passant par la psychose ordinaire, découvrez le programme des cours théoriques de la session 2015 d’enseignement de Propédeutique sur le thème « La psychose, les psychoses : questions préliminaires ».

23 janvier. #1 — Schreber : la construction du délire
Hervé Castanet
Les Mémoires d’un névropathe, écrit par D. P. Schreber en 1900 et publiés en 1903, ont été longuement commentés par Freud (1911) et par Lacan (1955-1956). En 1893, D. P. Schreber, président de chambre à la cour d’appel de Dresde, alors âgé de près de cinquante ans, doit être placé dans un asile du royaume de Saxe. Les Mémoires déplient un délire constitué (= paranoïa) où Dieu s’est mis en contradiction avec lui-même et exige la transformation du président en femme. Si le délire, selon l’affirmation de Freud, est une tentative de guérison, que tente-t-il de guérir dans ce cas ? Lisons pour cela le patient le plus connu de la psychiatrie.

30 janvier. #2 — Schreber : les événements de corps
Hervé Castanet
Schreber témoigne d’une sensation qui touche à son corps vivant et fait « preuve » : « mon corps tout entier est parcouru des pieds à la tête de nerfs de la volupté comme cela ne se rencontre que s’agissant d’un corps de femme adulte… ». Il précise qu’il est « subjectivement certain » de ce qu’il sent en touchant sa peau : il se transforme en femme – « En exerçant sur cette texture une pression, je puis me procurer une sensation de volupté de l’ordre de celle de la femme… » Nous interrogerons comment ces événements de corps sont inséparables de son lien constant à Dieu qui est l’auteur de ces miracles et autres « malices ».

> Schreber, Daniel Paul, Mémoires d’un névropathe – Geste mémorable d’un grand malade des nerfs, Seuil, coll. Points, n° 177, 1985.
Les citations des deux arguments précédents sont tirées de cet ouvrage.

13 février. #3 — Freud « interprète » la paranoïa de Schreber
Sylvette Perazzi
Des Mémoires du Président Schreber Freud fait une lecture fulgurante, qu’il nomme « essais d’interprétation ». Il y déplie sa thèse sur le mécanisme de ce qu’il appelle « dementia paranoides », traduit selon la nomenclature allemande en vigueur par paranoïa. Il décline notamment les différentes formes du délire suivant les modulations grammaticales de la phrase : « Je l’aime, lui, un homme. »
Ses successeurs, dont Ida Macalpine, traductrice en anglais des Mémoires, questionneront cette thèse. Cette dernière critique la thèse freudienne de la pulsion homosexuelle à l’origine de la paranoïa et lui préfère celle d’un fantasme archaïque de grossesse.

> Freud, Sigmund, « Le Président Schreber », Cinq psychanalyses, P.U.F., coll. « Quadrige », 2004.
> Macalpine, Ida et Hunter, Richard, « Discussion sur le cas Schreber » (1955), Le cas Schreber, Contributions psychanalytiques de langue anglaise, P.U.F., 1979, p.111-168.

13 mars. #4 — Lacan : la causalité psychique
Sylvette Perazzi
Dans les « Propos sur la causalité psychique » (1946), Lacan va contre la théorie organo- dynamiste du psychiatre Henri Ey. Lacan, lui, y inscrit la folie dans sa dimension d’envahissement imaginaire. Cette thèse sera illustrée par le délire à deux sans doute le plus célèbre de l’histoire, celui des sœurs Christine et Léa Papin. Le 2 février 1933, au Mans, ces deux bonnes ont, sans raison apparente, sauvagement assassiné leur patronne.

> Lacan, Jacques, « Motif du crime paranoïaque : le crime des sœurs Papin », « Premiers écrits sur la paranoïa », De la psychose paranoïaque dans ses rapports avec la personnalité (1932), Seuil, 1975, p. 389-399.
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10 avril. #5 — Lacan : les impasses de la compréhension
Nicole Guey
Pour introduire la question des psychoses, Lacan souligne qu’on ne peut d’emblée parler du traitement. Il donne un aperçu de cette difficulté à propos de la paranoïa qui se situe sur le plan de la compréhension – c’est un délire d’interprétation. Ce que nous enseigne la psychose est énoncé dans le Séminaire III (1955-1956) : Gardez-vous de comprendre ! Pour Schreber le monde prend une signification. « Ce qui est faux, c’est de s’imaginer que le sens dont il s’agit, c’est ce qui se comprend ». Avec cette boussole, Lacan propose une lecture inédite basée sur la structure du symbolique. Il distingue le grand Autre du langage du petit autre qui est le moi.

24 avril. #6 — La psychose lacanienne
Nicole Guey
Pour construire le sujet à partir de l’Inconscient, il faut en saisir la logique ! Lacan affirme après Freud : il s’agit de « ne pas jauger le fou en termes de déficit et de dissociation des fonctions ». Un accident se produit dans le symbolique. « Au lieu où l’objet indicible est rejeté dans le réel, un mot se fait entendre, pour ce que, venant à la place de ce qui n’a pas de nom.» Isoler un trou dans ce registre, permet de nommer ce qui s’y accomplit : la « forclusion » (= Verwerfung) du Nom-du-Père à la place de l’Autre. « Défaut qui donne à la psychose sa condition essentielle, avec la structure qui la sépare de la névrose. » Cette clinique structuraliste est discontinuiste.

> Lacan, Jacques, Le Séminaire, livre III, Les psychoses, Seuil, 1981.
Les citations dans les deux arguments précédents sont tirées de cet ouvrage.

22 mai. #7 — Le père pluralisé
Hervé Castanet
À la fin de son enseignement (années 1970-1980), Lacan construit l’Autre comme trou : il n’y a pas d’Autre de l’Autre. Le Père perd cette place de redoubler l’Autre en le garantissant – ce que faisait le Nom-du-Père. Le Père est pluralisé : « il peut y en avoir un nombre indéfini », dit-il dans « R.S.I. » (1975). Ce changement de définition va de pair avec la fin de l’Autre comme préalable du signifiant. Lacan scie la branche sur laquelle il avait construit sa doctrine. Quelles conséquences pour la clinique des psychoses ?

> Lacan, Jacques, Le Séminaire, livre XXIII, Le sinthome, Seuil, Paris, 2005, chap. I, p. 11-25.

29 mai. #8 — La psychose ordinaire
Nicole Guey
Il y a des sujets parlants qui ne présentent aucun trouble du langage, aucun phénomène élémentaire, aucun délire ni errance. Ils peuvent présenter une surnormalité qui les rend particulièrement adaptés. La psychiatrie les ignore pour ne jamais (ou presque) les rencontrer ou les épingle de façon étonnante : obsession dépressive, hystérie mélancoliforme, cas limites, etc. Le terme de psychose ordinaire (à opposer à la psychose extraordinaire de Schreber) sert à les désigner. Cette orientation n’est plus structuraliste mais continuiste. Quelle clinique pour ces patients ? Quelle place nouvelle pour le psychanalyste ?

> Miller, Jacques-Alain, « Effet retour sur la psychose ordinaire », Quarto, n° 94-95, Retour sur la psychose ordinaire, 2009.

12 juin. #9 — L’autisme
Sylvette Perazzi
L’autisme a été une cause nationale et demeure un sujet polémique. Son traitement par la psychanalyse est très violemment attaqué, le plus souvent dans une totale méconnaissance des véritables prises en charge de ces patients. Nous développerons la réponse de Jacques Lacan à une question sur l’autisme : « Les autistes s’entendent eux-mêmes », et l’illustrerons par le cas de Temple Grandin (née en 1947), professeur à l’université du Colorado, auteur notamment de Penser en images et autres témoignages sur l’autisme.

> Lacan, Jacques, « Le symptôme » (Conférence à Genève – 1975). A lire et télécharger en cliquant ici.
> Grandin, Temple, Penser en images et autres témoignages sur l’autisme, Odile Jacob, 1997 – et cette vidéo :

26 juin. #10 — Conversation questions des participants / réponses et discussions avec les enseignants.

Lire la présentation de l’enseignement de Propédeutique.

Aller plus loin dans les repères bibliographiques : cliquer ici.

Les enseignants

  • Hervé Castanet, professeur des universités, coordinateur de la Section clinique d’Aix-Marseille, membre de l’École de la Cause freudienne (ECF) et de l’Association mondiale de psychanalyse (AMP), psychanalyste (Marseille).
  • Nicole Guey, DEA de psychanalyse, docteure en psychopathologie clinique, membre de l’ECF et de l’AMP, psychanalyste (Marseille).
  • Sylvette Perazzi, psychiatre, membre de l’ECF et de l’AMP, psychanalyste (Marseille).

 

 



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