CPCT. « Inscription et case vide dans le traitement au CPCT », par Elisabeth Pontier

Avec « Inscription et case vide dans le traitement au CPCT », Elisabeth Pontier, consultante au CPCT Marseille, livre une vignette clinique élaborée dans le cadre du Colloque Psychiatrie-Psychanalyse tenu en septembre 2019.  
Cette vignette s’inscrit dans un ensemble de cas livrés, sauf un, par les consultants au CPCT Marseille-Aubagne, qui témoignent de l’orientation psychanalytique des traitements au CPCT, dispositif gratuit, limité dans le temps et dans lequel les consultants sont bénévoles. Ces cas cliniques sont totalement anonymes et construits en logique. Ils rendent compte des effets obtenus et du travail de recherche conduit dans ce dispositif. Ils témoignent aussi de la façon dont les problématiques contemporaines sont abordées au CPCT où les pathologies sont pensées à l’aune de la subjectivité des patients. 

La conversation de Barcelone de 2005, éditée chez Navarin sous le titre « Effets thérapeutiques rapides en psychanalyse », donne des outils pour penser la clinique qui se pratique au CPCT. Lesquels ?

Barcelone

A l’occasion d’un traitement court de trois séances seulement – le cas de Marta rapporté par Antoni Vicens – Jacques-Alain Miller a conceptualisé le terme de cycle. Une psychanalyse parcourt plusieurs cycles et l’expérience du traitement court de 16 séances au plus, tel qu’il se pratique dans les CPCT, met donc en lumière le déroulement des « cycles initiaux ». Jacques-Alain Miller a rappelé que la notion de cycle fait valoir que l’analyse n’est pas un processus infini, comme Freud l’a pensé, mais que l’analyse, depuis Lacan, est pensée comme parfaitement terminable. A tel point, ajoute-t-il, que la fin peut se présenter plusieurs fois ! Ce qui m’a intéressée, lors de l’élaboration de cette notion de cycle dans la conversation, ce sont deux points précis que l’on devrait pouvoir retrouver lors d’un traitement bref s’il est effectif. D’une part ce que Antoni Vicens a appelé une « inscription » : un changement, un point de non retour a été atteint, pouvant relever d’une nouvelle identification, comme le faisait remarquer Pierre-Gilles Gueguen.

D’autre part, le traitement laisse « une case vide » : quelque chose apparaît dans le discours, qui fait énigme pour le consultant sans pour autant faire question pour le patient. La poursuite du traitement au-delà de sa ponctuation verrait sans doute la mise au travail de ce point.

Marseille

Voici une vignette clinique réduite à l’articulation de ces deux points pour en faire la démonstration. Nelly, 24 ans, est venue consulter parce qu’elle est en panne dans ses études : « noyée », « collée » à l’Autre, elle n’est « pas dans l’histoire » et ne peut tirer profit d’un stage qu’elle fait dans l’ombre de l’Autre : « On ne m’y voyait pas ».

Elle repère sa position d’attente passivée vis-à-vis de l’Autre : l’Autre maternel dont elle recueille les confidences et son petit ami qui remet toujours à plus tard la vie commune. Ce repérage a valeur d’interprétation : « J’en ai marre d’attendre après lui ! » Elle décide de refuser de le rejoindre comme tous les étés et le met face à un choix : la rejoindre, ou pas, dans l’appartement dont elle se met en quête.

Nous avons là, ce qu’Antoni Vicens appelle une inscription, un point de non retour : Nelly sort la tête de l’eau, serait-on tenté de dire. Les effets thérapeutiques sont au rendez-vous, qui attestent d’une rectification subjective : dans son nouveau logement elle peut étudier, elle dort mieux. Prendre un appartement et donc faire le choix de s’éloigner de sa mère a la valeur d’un « contrepoids » pour la jeune femme qui, par son acte, contre la pente de son mode de jouir. Le gain du traitement est là : Nelly a pu nommer sa position de jouissance – « collée » à l’Autre – et agir sur celle-ci en s’éprouvant « décollée », récupérant ainsi de la libido pour ses études et ses amours.

Alors la case vide ? Le poids de jouissance de cette relation reste non élucidé. Nelly décline sa position vis-à-vis de l’Autre maternel : « se laisser faire », «  se mettre à disposition » est la stratégie qu’elle a développée face aux paroles de sa mère qui la ravalent depuis l’enfance. Ce point là, Nelly l’énonce clairement mais n’en fait pas, pour autant une question.

Ces deux pôles : inscription et case vide confirment donc leur pertinence pour éclairer les spécificités d’un cycle de traitement court tel qu’il se pratique au CPCT.

 



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