En préparation du Colloque Psychiatrie-Psychanalyse des 26-27 septembre, Laurent Dupont, psychanalyste à Paris, vice-président de l’École de la cause freudienne et membre de l’AMP, répond à une question de Julia Richards, psychanalyste à Castelnau-le-Lez, coresponsable et enseignante au Programme psychanalytique d’Avignon.
Que perdrait-t-on à se passer d’une clinique psychanalytique, d’une clinique lacanienne, en psychiatrie ? Qu’est-ce qui vous frappe comme l’essentiel à démontrer propre à la clinique lacanienne par rapport à ce thème ?
Lacan, tout comme Freud, n’a pas sorti la clinique psychiatrique du champ de la psychanalyse, loin s’en faut. S’il convient de séparer ce qu’il en est d’une analyse et la psychanalyse appliquée, la boussole psychanalytique permet de s’orienter en psychiatrie. Tout d’abord, il me semble qu’il faut rappeler combien l’enseignement de Lacan a poussé les enjeux de la découverte freudienne au plus loin, dans une zone où la clinique s’avère transtructurale, où le signifiant et le corps se nouent au-delà du sens, en faisant surgir la notion d’une invention incluse dans le sinthome même tenant compte du corps vivant. Ainsi, Lacan a toujours éprouvé ses découvertes à l’aune de la psychose et ses conséquences : le nom du père avec la forclusion, l’objet a avec l’extraction ou la non-extraction, le nœud borroméen avec Joyce : le sinthome. Sans ces repères, comment faire ? Comment sortir de l’imaginaire auquel les situations des sujets en psychiatrie nous ramènent sans cesse ? L’application des protocoles, loin d’apaiser les équipes soignantes en les déresponsabilisant, les confrontent à ce qu’elles aussi, au un par un, sont affublées d’un corps. Le terme même d’« équipe » vise un universalisme qui tente de dédouaner ce qu’il en est de la rencontre singulière des corps, corps en présence, dont la transmission permet un travail à plusieurs Un. Cette tentative de soustraire le singulier de la rencontre au profit de « l’impression d’équipe » n’est pas sans impact. Les protocoles et leurs promesses de régler toutes les situations se heurtent à l’impossible freudien de la clinique, l’impuissance qui en résulte laisse les uns et les autres démunis, là gît la conséquence du mot de Lacan que rappelait Hervé Castanet : La clinique « est le réel en tant qu’il est impossible à supporter ».
La psychanalyse ne méconnaît pas cet impossible, l’invention est un faire avec. Rétablir la possibilité de la parole, du repérage signifiant du délire, de l’hallucination, du passage à l’acte comme tentative de localiser ou délocaliser la pulsion faute de l’objet a, repérer ce qui fait invention ou pas… y faire signe, accuser réception ou pas… autant d’orientations qui permettent de travailler en psychiatrie en remettant au centre la parole des patients et celle de ceux qui les accompagnent au quotidien.
Ce colloque à venir est donc une très heureuse initiative, transmettre le plus singulier de l’expérience de rencontre avec ces sujets en psychiatrie, pas sans effets.
Le programme et la liste des intervenants
Catégories :Colloque Psychiatrie-Psychanalyse
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