SC. Colloque 2019. « Ce que fabrique le langage c’est le désir » par Nicole Guey

En préparation du Colloque Psychiatrie-Psychanalyse des 26-27 septembre, Nicole Guey, docteure en psycho-pathologie clinique, psychanalyste à Marseille, membre de l‘ECF et de l’AMP, enseignante à la Section clinique d’Aix-Marseille, nous livre un commentaire du  Petit discours aux psychiatres de Sainte-Anne, 10 novembre 1967, inédit, de Jacques Lacan,

C’est par cette affirmation :  » Ce que fabrique le langage c’est le désir » que Lacan introduit dans son « Petit discours aux psychiatres de sainte-Anne[1] », un objet, le désir. Le désir, plutôt écarté par les philosophes pour parvenir à la connaissance. Il souligne : « La connaissance est troublée, soi-disant par le désir… ». Il interroge la formation positiviste des médecins et les invite à s’intéresser à l’élaboration de sa théorie du langage et du désir. Il propose une formalisation du discours à l’aide de petites lettres connectées de façon définie et nomme mathèmes, cette écriture. Il introduit « un certain usage de la mathématique ».

Lacan, définit la structure du langage et la fonction comme telle du signifiant. Il emprunte ce concept linguistique à Ferdinand de Saussure. Et énonce la formule : « Le signifiant est ce qui représente un sujet, pour qui ? Justement pas « pour qui », pour un autre signifiant « . Ce qui veut dire : « Premièrement que le signifiant ne prend son statut que là et ensuite que sa relation à l’autre signifiant inaugure la dimension de la batterie signifiante ». Le signifiant en opposition au signifié, tente de cerner la chose. Il est antérieur au sujet car l’enfant est parlé avant qu’il prenne la parole et même avant sa naissance. La dimension de l’Autre (avec un grand A), c’est lieu du signifiant. « Cet Autre est précisément un lieu défini comme nécessaire à cette primarité de la chaîne signifiante ».

Introduire le langage, c’est faire une place au sujet, le sujet c’est le sujet de la parole, « C’est une dimension de l’être », ajoute Lacan. Avec ses petites lettres, le sujet s’écrit grand S, puis grand S barré ; ($), le sujet barré par le désir dans la névrose, puisque le désir est toujours désir d’autre chose.

Lacan est passé de l’axiome déduit de son retour à Freud : « L’inconscient est structuré comme un langage » à la construction de l’Autre comme trésor des signifiants et à cette définition du sujet représenté par un signifiant pour un autre signifiant. Dans cette perspective le langage, source de malentendus, n’est pas fait pour la communication, c’est un obstacle à la compréhension. Il n’y a ni vérité ni mensonge. La vérité est vérité du sujet, elle est menteuse – Pas de garantie de la vérité dans l’Autre. 

L’analyse nous enseigne sur les effets de cette formalisation. « Dans ce qui est primordialement intéressé de cette fonction du signifiant, prédomine une difficulté, une faille, un trou, un manque ».  Il s’agit du rapport complexe du sujet au signifiant en tant qu’il est affecté d’un sexe. « C’est parce que le signifiant se montre manifester des défaillances électives, à ce moment où il s’agit que ce(lui) qui dit Je, se dise, comme mâle ou comme femelle ». Cet « aveu » — c’est le terme emprunté par Lacan — entraîne « le surgissement au niveau du désir de quelque chose de bien étrange ».

Ce dont il s’agit, c’est du rapport du sujet à la castration. C’est la grande trouvaille de la psychanalyse, précise Lacan. Dès 1958, dans La signification du Phallus[2], dans son retour à Freud, il interroge la fonction de nœud du complexe de castration inconscient. C’est une aporie irréductible aux données biologiques qui ne peut être fondée que sur la base des faits cliniques. C’est comme manquant que « l’organe de la copulation » — le phallus — est représenté dans le symbolique. Le Phallus s’éclaire de sa fonction. Il n’est ni fantasme, ni objet, ni l’organe qu’il symbolise. « C’est le signifiant destiné à désigner dans leur ensemble les effets de signifié  […][3] ».

Du côté de la sexualité, du réel sexuel, il y a souligne Lacan, quelque chose d’opaque, d’incompréhensible qui entre en jeu au niveau de l’acte sexuel. « Il ne s’agit pas simplement de savoir ce qu’on fait et comment on opère, il s’agit de s’apercevoir que ce qui fait difficulté, c’est qu’on entre dans l’acte sexuel pour s’avérer tel ou tel, mâle ou femelle par exemple ». Les difficultés surgissent du fait du rapport de l’acte au signifiant. « L’acte est signifiant et comme signifiant il rate ». Ce qu’il énoncera par la suite dans une formule : « il n’y a pas de rapport sexuel ».

Le propos de Lacan pourrait être entendu comme une anticipation de qui fait notre actualité, au regard de la problématique du genre : « quoique vous fassiez, messieurs-dames, vous ne serez jamais absolument sûrs d’être mâles ou d’être femelles ». C’est une sorte d’impossibilité à se situer dans la binarité de ces deux signifiants.

Dans ce « Petit discours… » en novembre 1967, Lacan tire les conséquences de l’expérience analytique menée jusqu’à sa fin. Celles de la dépendance du Sujet au signifiant : « Votre désir ne se conçoit, ne prend sa place juste, ne s’anime qu’à ce que vous ayez effectivement aperçu qu’il s’est formé dans ce lieu que j’ai appelé tout à l’heure le lieu de l’Autre, avec un grand A… ». Le désir c’est le désir de l’Autre.

Au-delà, il invite son public à venir assister au séminaire de l’année 1967-1968 pour peu qu’il soit « suffisamment chatouillé » par son propos et ait envie d’en savoir un peu plus. Il s’agit du Séminaire XV, « L’acte psychanalytique » (inédit). Il n’en dit pas vraiment plus, sur ce qui advient à la fin, quand l’analysant réalise que – l’Autre n’existe pas. Ce qu’il développera plus tard dans son enseignement.

[1] Lacan J.,  « Petit discours aux psychiatres de Sainte-Anne », inédit, Conférence du 10 novembre 1967.

[2] Lacan J., « La signification du phallus », Écrits, Paris, Seuil,  1966.

[3] Ibid., p. 690.

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