Syndicaliste et professeur des écoles, auteur de Face au mépris des classes (Agone, 2016), Pascal Pons répond à Graziella Gabrielli avant le 2e Forum anti-haine organisé à Marseille par l’ECF et le Forum des psys (lire ici).
Graziella Gabrielli : Quelles seraient les conséquences de l’accession de Marine Le Pen au pouvoir, selon votre point de vue de syndicaliste et professeur des écoles ?
Pascal Pons : Jean Zay doit se retourner dans sa tombe depuis que le FN a eu le culot de le citer : « L’école doit être une asile inviolable où les querelles des hommes n’entrent pas. » En réalité, le programme du FN pour l’école prône l’exact inverse. Celle-ci deviendrait justement ce que ce parti prétend combattre : un lieu de propagande idéologique. Voici la recette de sa mystification :
– Surfer sur de prétendus constats anxiogènes : autorité du maître remise en question, langue arabe qui prendrait du temps sur les « enseignements fondamentaux », égalité des chances perdue, non neutralité des enseignants – ces affreux gauchistes…
– Eriger ses recettes fascisantes en solutions « neutres » et salvatrices : méritocratie bourgeoise, recentrage sur la culture nationaliste, sélection sociale par le jeu des « bourses au mérite » dans les universités, promotion de l’autoritarisme…
– Ne pas révéler le projet global sous-jacent : une école réservée aux seuls enfants français, précarisée par la réforme du statut des écoles primaires et de leurs fonctionnaires… le tout avec des méthodes pédagogiques rétrogrades appartenant à un âge d’or fantasmé.
Mon engagement contre le FN va au-delà de la critique sur son affligeant programme éducatif. Son hostilité aux syndicats de la classe ouvrière, ses pires ennemis, fera notamment de nous, militants du quotidien, des cibles privilégiés de leur future milice d’Etat. Ils savent que nous sommes le premier rempart face à eux, car les plus organisés.
Cet engagement n’en est pas moins lucide. La lutte contre les idées de l’extrême droite ne saurait se résumer à un rendez-vous quinquennal dans un isoloir. Ce sont les racines que nous devons attaquer. Celles qui arrachent des pans entiers du peuple à l’idéal républicain de 1792 ou du Conseil National de la Résistance : domination outrancière de la finance, reculs sociaux généralisés, inégalités obscènes, mise en concurrence des peuples, mépris pour les décisions des citoyens par les technocrates…
Prenons acte que la diabolisation et les leçons d’histoire plus ou moins pertinentes ne fonctionnent plus. Et encore moins depuis que des apprentis sorciers ont fait sienne leurs idées nauséabondes en proposant la déchéance de nationalité. Encore moins depuis l’état d’urgence à perpétuité. Encore moins depuis que les donneurs de leçon se pavanent dans le luxe ou la corruption. Pour abattre l’extrême droite et ses idées, il serait temps de comprendre que la culpabilisation morale ne convainc plus personne, sinon les convaincus.
Il faut s’en réjouir : poussés dans nos derniers retranchements nous allons enfin pouvoir revenir aux fondements des idéaux égalitaires et fraternels de notre République. Il le faudra en tous les cas. Car si le vieux monde se meurt assurément, le nouveau ne naîtra qu’à la condition que nous changions radicalement notre manière d’envisager notre avenir en commun. A nous d’agir. Et pas que dimanche prochain.
Face au mépris des classes, Pascal Pons, Agone, 2016.
Il est tout de même fantastique que ceux qui ont été élus pour garantir des droits aux citoyens s’offusquent de leurs propres échecs et les attribuent à quelques criminels. Il ne faut tout de même pas oublier que la zone de “non-droit” sortie à toutes les sauces, c’est avant tout celle où vivent des personnes qui n’ont pas les mêmes droits qu’ailleurs. Dans ces belles déclarations, le droit à la sécurité est toujours l’arbre qui cache la forêt. Mais les autres droits ?
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