SOMMAIRE.
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- Edito
Par Hervé Castanet, coordonnateur de la SC, et Françoise Haccoun, enseignante à la SC. - À propos de la Section clinique 2017
> Interview de Laure Guillery, psychologue clinicienne, par Hélène Casaus, psychologue clinicienne.
> Pourquoi lire De Clérambault en 2017 ? Interview d’Alex Elomeiri, interne en psychiatrie, par Philippe Devesa, psychologue clinicien. - Points cardinaux
> Médecine scientifique et corps parlant, par Sylvain Garciaz, médecin.
> Rêve d’Elise et son fiancé, de Freud, morceau choisi par Elisabeth Pontier, psychanalyste, enseignante à la SC.
> Le trait d’esprit d’un trait pervers, par Patrick Roux, psychanalyste, enseignant en Propédeutique.
> A qui rêves-tu ? Un rêve aurevillien proposé par Véronique Villiers, psychologue clinicienne, d’après Poussières, de Barbey d’Aurevilly. - La Section clinique hors les murs
Il est possible d’organiser des débats en institution autour des publications.
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. EDITO
Le 13 janvier prochain, la session 2017 de la Section clinique et de sa Propédeutique entame sa 22e année. Vous pouvez encore vous y inscrire en cliquant ici !
Leurs thèmes : « L’Autre dans la clinique psychanalytique contemporaine », pour la Section clinique (en savoir plus ici) et « L’inconscient, drôle de mot ! », pour la Propédeutique (en savoir plus là), vont mettre au travail l’un des concepts majeurs de la psychanalyse l’inconscient, hypothèse de son existence par Freud et redéfini par Lacan.
Le sujet ne peut advenir que dans le lien à l’Autre où il se constitue. L’Autre ? Quelles figures prend-il au XXIe siècle ? La clinique, toujours, va « donner la main » à la théorie pour cette nouvelle année de travail avec vous, nouveaux participants et vous, plus fidèles, pour inventer et réinventer notre trésor clinique en votre compagnie.
Nous vous donnons donc rendez-vous le 13 janvier et vous souhaitons nos meilleurs vœux 2017.
Hervé Castanet, coordonnateur de la SC
Françoise Haccoun, enseignante à la SC
. À PROPOS DE LA SC 2017
> Interview de Laure Guillery, psychologue clinicienne
par Hélène Casaus, psychologue clinicienne.
Laure, pouvez-vous nous dire quels enseignements vous avez suivi exactement ?
Laure Guillery : J’ai commencé par la Propédeutique pendant deux années et ensuite je me suis inscrite à la Section clinique.
Quelle était votre motivation ?
L. G. : Je suis psychologue de l’éducation nationale et travaille en CMPP ; je reçois des enfants en cure ambulatoire, un par un pendant trois quarts d’heure ; je fais des suivis psychologiques en rapport avec ce qu’on me demande au CMPP, en rapport avec les apprentissages et les difficultés scolaires des enfants… L’inscription dans le champ analytique, à la SC, c’est une façon de prendre en compte la dimension de l’inconscient chez l’enfant dans mon travail. Ça paraissait pour moi une évidence qu’il fallait entrer dans ce champ, que je n’ai pas forcément pu explorer pendant mon cursus universitaire et qui ne se présente pas de la même manière.
Avec l’idée que les enseignements de la psychanalyse lacanienne seraient un apport spécifique ?
L. G. : Ils me donneraient une boussole, une orientation pour l’écoute clinique.
C’était votre motivation au moment de votre engagement dans cette voie ?
L. G. : Oui… Il fallait prendre en compte la dimension du sujet dans le travail par rapport au contexte et aux exigences institutionnelles, je souhaitais avoir une approche qui me permette d’appréhender le sujet dans sa globalité.
Voulez-vous dire que cela se démarquait des exigences institutionnelles ?
L. G. : Oui tout à fait, cela contrastait avec l’exigence de faire du bilantagedes enfants adressés pour des difficultés d’apprentissage.
Que vous ont apporté ces années à la SC, par rapport à votre désir initial ?
L. G. : L’intérêt c’est l’approche vraiment au plus près du sujet ; c’est ça que j’ai appris par les vignettes clinques. C’est très riche d’enseignement ; on nous montre comment on écoute au plus près du sujet, au travers des présentations de malades notamment.
Oui, la présentation de malade, c’est un temps spécifique à la Section clinique, à la différence de la propédeutique et à la différence d’autres formations du champ psychanalytique.
L. G. : La propédeutique, on est plus près des textes, la théorie est plus importante ; Ça appelle la lecture de textes. On lit les concepts de Freud et de Lacan ; Lacan, que je n’avais pas lu à l’université. En Section clinique, on prend un concept, longitudinalement et c’est illustré par des vignettes cliniques. Il y a une connexion entre des concepts et la clinique Dans mon travail, c’est difficile de faire cette connexion. Mon institution attend de moi du rendement sur le versant psychopédagogique.
Finalement vous faîtes un choix assez fort sur votre terrain professionnel en signifiant votre place de psychologue, c’est-à-dire un choix qui ne réduit pas la psychologie à son versant uniquement psychopédagogique.
L. G. : Voilà, oui…
Est-ce que ces années d’enseignement vous ont aidé à changer votre pratique ?
L. G. : Complètement, je peux plus faire sans. Maintenant, pour moi c’est une évidence, ma pratique est au service du sujet, je remarque dans ma façon de faire des effets… de subjectivation, des effets de sujet.
Vous avez lu le nouveau thème de la SC 2007, « l’Autre dans la clinique contemporaine », qu’est-ce que cela évoque pour vous ?
L. G. : L’Autre, c’est l’inconscient dans la clinique, le grand Autre, l’ordre symbolique comment cela s’agence… La clinique contemporaine….avec l’évolution de la société, avec la montée de la clinique du trouble, de l’évaluation, de la catégorisation, du DSM etc. Il y a une urgence d’avoir une clinique du sujet ou de la préserver, on se bat dans les institutions, on se bat au CMPP pour garder la psychanalyse. On voit bien avec le pôle autisme. Les thérapies comportementales qui ont pris le pas avec la méthode Denver… Alors pourquoi pas mais pas de manière exclusive.
Donc, vous avez l’impression que vous défendez la psychanalyse ?
L. G. : Oui, au quotidien…
Cela serait vraiment intéressant que vous rejoignez la Section clinique cette année, dont le thème est axé sur une clinique du sujet prenant en compte les derniers enseignements de Lacan.
L. G. : Ce qui m’a intéressé dans Lacan, c’est le travail sur Joyce et aussi la clinique du moins et du plus, continuiste, pas seulement structuraliste.
Pour résumer, comment nommeriez-vous l’apport essentiel de cet enseignement pour vous ?
L. G. : C’est une façon d’être dans mon écoute et dans l’institution, dans cette institution.
Propos recueillis par H. Casaus
> Pourquoi lire De Clérambault en 2017 ?
Interview d’Alex Elomeiri, interne en psychiatrie
par Philippe Devesa, psychologue clinicien.
Pourquoi lire De Clérambault en 2017 ?
Alex Elomeiri : Gaétan De Clérambault est un psychiatre des plus éminents. Il clôt quelque chose de la psychiatrie dite a posteriori classique. Il ponctue ce mouvement car, par la suite, viendra l’essor de la psychanalyse en France et de la phénoménologie. Il est l’un des premiers à aborder la psychopathologie de manière explicative et non plus seulement descriptive à la différence de Valentin Magnan – son maître direct – qui parlait des psychoses chroniques et systématisées de manière très descriptive. Magnan raconte, étape par étape ce qu’est la psychose sans jamais tenter de l’expliquer.
Lire De Clérambault c’est porter un intérêt à la lecture des classiques en général. Cela permet d’accéder à des symptômes que l’on peut dire « purs » – des symptômes d’avant l’apparition des neuroleptiques et des antidépresseurs. Après, on traitera assez vite les sujets et on aplanira les choses d’un point de vue symptomatique. Cela permet, en outre, d’accéder à un vocabulaire. À son époque, les psychiatres étaient d’horizon très divers ; Janet était normalien. Clérambault a fait les Beaux-Arts avant d’être psychiatre, ce qui lui permet d’amener d’autres perspectives sur la clinique qui s’opposent à ce que l’on nous enseigne de nos jours.
Au-delà de ces raisons évidentes, j’aimerais faire un lien avec ce que décrit Heidegger du plein air. Dans sa première période d’enseignement, il essaye de revenir sur ce qu’il appelle une compréhension génétique des choses. Heidegger nous dit que l’objet de nos intuitions est trop éloigné. Pour y accéder, c’est un périple qui est lié à la déconstruction ; il parle de déconstruction de l’histoire que nous sommes. L’histoire que nous sommes en tant que psychiatre, c’est l’histoire des symptômes sur lesquels on se base. Connaître la genèse des syndromes dont on se sert a, je pense, grand intérêt.
Parlez-nous de votre rencontre avec l’œuvre de Clérambault ?
A. E. : Une rencontre est toujours personnelle. J’ai rencontré Clérambault en première année d’internat. J’étais par ailleurs intéressé par les questions du langage à travers Saussure, Jakobson et la poétique. On nous parle de ce psychiatre français qui s’est suicidé devant sa glace, parait-il de deux balles dans la tête, entouré de pantins drapés parce qu’il en serait fanatique car pervers. On nous dit qu’il serait psychotique et c’est pour cela qu’il a décrit l’automatisme mental. On me passe les analectes, une collection de texte de psychiatrie classique, très ciblée. Il s’agit de deux numéros qui traitent de l’automatisme mental, des fac-simile qui ne sont pas très beaux. Tout cela résonne avec les quelques intérêts, les quelques tracas que j’avais à l’époque. Si je précise quelques mots sur les analectes, c’est pour souligner que les textes de Clérambault sont difficiles d’accès. Il faut trouver les bouquins. Nous avons fait le pari avec Léo de rééditer les classiques, en commençant par De Clérambault, au moyen d’une jeune boîte d’édition qu’on a appelé les Éditions de la conquête.
Vous pourriez dire quelques mots de ce désir de rééditer les classiques ?
A. E. : Comme j’ai pu le dire, il y a des textes qui sont difficiles d’accès, par exemple, « Les folies raisonnantes » de Sérieux et Capgras. On trouve des fichiers PDF sur Internet ou d’anciennes éditions qui sont effritées. Clérambault a été édité une première fois en 1942, et une seconde fois en 1998 par les Éditions Frénésie. De plus, les livres sont chers à la vente. Nous souhaiterions pratiquer des prix plus démocratiques. Grâce à de nouveaux programmes informatiques, on peut rééditer cela de manière plus propre. On commence par De Clérambault. Ce sera par la suite, Cottard ou Janet. Tout dépendra du temps dont nous disposons. Janet nécessite un travail plus important au regard de la quantité du matériel.
Que souhaitez-vous transmettre de son enseignement ?
A. E. : Le style est remarquable chez Clérambault. C’est fulgurant au premier coup d’œil. Dans ses certificats, ses articles, c’est laconique ; il fait vivre quelqu’un devant vous ; on imagine très bien le patient et ce que peut être de le rencontrer. Ce style est fait d’un vocabulaire littéraire, d’adjectifs, de mots usuels, parfois de quelques néologismes mais il y a très peu de jargon psychiatrique.
Ce vocabulaire et cette compréhension du malade provient aussi de la compréhension du syndrome et de la psychopathologie, qui diffère de la simple nomination des symptômes ou de la prétention du DSM, une sorte de liste des symptômes.
Comprendre était la vocation de Clérambault. Il est amené, parfois, à dire des choses erronées dans ses articles, tout à fait obsolètes aujourd’hui d’un point de vue neurologique.
Pour ceux qui le connaissent peu, nous avons l’érotomanie, les délires passionnels. Il y a une phrase que j’apprécie qui dit : « La passion précède le délire ». Certes, être amoureux de manière érotomananiaque est fou mais pour Clérambault, il y a eu un coup de foudre. Avant l’érotomanie, ce n’est pas délirant, il y a d’abord la passion. Il y a aussi son intérêt pour les étoffes, une passion érotique des étoffes.
L’automatisme mental est une certaine révolution dans la nosologie de l’époque. On classait les gens par rapport à la thématique de leur délire : « les délirants mystiques, passionnels ». Pour Clérambault, ce n’est pas la thématique du délire qui compte, c’est le mécanisme d’installation du délire. Il peut s’agir d’un délire d’interprétation mais il y a toujours le délire et sa coloration. Cette perspective est maintenue de nos jours.
Le petit automatisme mental, c’est-à-dire le langage, m’a beaucoup intéressé. Lacan en parle en précisant qu’il faut aborder le signifiant en tant que qu’élément du délire et dans la psychose en particulier.
Quand on parle de Clérambault on aborde très vite son mécanicisme. Il met à l’origine de son automatisme mental une lésion cérébrale. À partir de là, il construit une psychopathologie, il construit presque une métapsychologie. À lire ses textes, on s’en rend compte très vite ; il parle de pensées circulaires qui se bouclent les unes aux autres, de répétitions signifiantes qui viennent « s’introjecter » ; c’est très intéressant même s’il n’est pas allé aussi loin qui l’aurait souhaité. On en fait le pendant de Freud ; à la même époque, ils ont construit tous les deux une psychopathologie. Ce qui est intéressant, c’est qu’ils seront les deux maîtres d’un seul élève, à savoir Jacques Lacan qui dira que Clérambault qu’il est son « seul maitre en psychiatrie ». Je pense que Lacan perpétue quelque part son œuvre.
Ce qu’il nous faut retenir est ce pont entre la linguistique et la psychiatrie, la linguistique dans son usage psychanalytique. C’est par le langage que l’on prend conscience du monde. Ce qui est en jeu, est une atteinte de ce rapport au monde par le langage. C’est un point indispensable pour la psychiatrie.
Propos recueillis par P. Devesa
. POINTS CARDINAUX
> Médecine scientifique et corps parlant
par Sylvain Garciaz, médecin.
La médecine contemporaine est plus que jamais scientifique. Ses fondements sont biologiques, reposant sur une connaissance de plus en plus fine de la cellule dans ses composantes génétiques et moléculaires, dont l’exploration dépend d’outils gagnant en complexité. L’apport de la chimie et des méthodes d’analyses bio-informatiques permet le développement de thérapeutiques ciblées plus efficaces mais aussi plus coûteuses. L’évaluation de leur efficacité repose sur des critères objectifs rigoureux et des tests statistiques. Ce sont les critères de l’evidence-based medicine (EBM), une médecine fondée sur des preuves, permettant à la fois de mesurer l’évolution de symptômes clinique, radiologique ou biologique mais aussi d’en comprendre les mécanismes. Etant médecin spécialisé en hématologie clinique et chercheur en biologie, je me réjouis de pouvoir faire bénéficier les patients de ces apports indéniables, de cette démarche expérimentale indispensable, au sein d’essais thérapeutiques ou de protocoles de recherche. Faire sans ces progrès serait une erreur éthique, vouloir traiter un patient avec un cancer en s’affranchissant des données scientifiques validées serait une faute.
Cependant, la pratique clinique ne peut pas faire l’impasse du patient. Dès lors qu’il est question du sujet dans sa particularité, les critères objectifs de l’EBM ne sont plus applicables sans forçage. Ces règles, fonctionnant très bien pour des cellules, des souris ou même des cohortes de patients pris dans leur ensemble, échouent à cerner ce qui se joue pour le sujet pris au un par un.
Vouloir faire usage de ces règles dites scientifiques dans le domaine de la relation clinique au patient tend à aplanir les différences, à niveler les aspérités de chacun, à le normaliser. Le regard du médecin scientifique tend à écraser son objet. Or, le corps de celui qui est regardé ne se réduit pas à un écran sur lequel s’affichent images et couleurs, signant la lésion sur une imagerie cérébrale.
Dès lors qu’est-ce que chacun recèle de très précieux, d’unique et de particulier, et qui échappe à la normalisation statistique ? Le sujet a un corps et ce dernier est impacté par le signifiant. Lacan nous dit : « La psychanalyse, qu’est-ce ? C’est le repérage de ce qui se comprend d’obscurci, de ce qui s’obscurcit en compréhension, du fait d’un signifiant qui a marqué un point du corps. »[1] Ce qui distingue le sujet, en tant qu’il est parlant, c’est ce rapport intime et comme le dit Lacan « mystérieux » entre les mots de l’Autre et son propre corps[2]. La vie, le vivant en chacun est logé dans ce point de contact tenu entre le signifiant et le corps. Dans cet espace vient s’inscrire un point de jouissance. « Le signifiant, c’est la cause de la jouissance » dit aussi Lacan[3]. Dans la vie d’un sujet, pouvant à l’occasion être un patient, ce point de jouissance est réel et produit des effets qu’il s’agit pour le clinicien de ne pas ignorer. Les symptômes médicaux et le réel défini par la psychanalyse peuvent parfois se rejoindre. Apprendre à y consentir grâce à l’enseignement de la Section clinique oriente la pratique.
Aussi les deux termes de l’équation sont la science d’une part, qui ignore le sujet (Lacan dit le forclôt) pour mieux en traiter les symptômes médicaux. Et d’autre part, le sujet de la psychanalyse, irréductible à la normalisation statistique, marqué par un point particulier de jouissance. Les deux positions opèrent dans la pratique médicale.
Un choix éthique du côté du sujet ne peut pas faire usage de l’une et ignorer l’autre.
S. Garciaz
[1] Lacan J., Le Séminaire, Livre XIX, « …ou pire », p. 151 – [2] Lacan J., Le Séminaire, Livre XX, Encore, Seuil, 1975, p. 27, p. 118 – [3] Lacan J., Le Séminaire, Livre XX, Encore, Paris, Seuil, 1975, p. 27
> Rêve d’Elise et son fiancé [1], de Freud.
Morceau choisi par Elisabeth Pontier, psychanalyste, enseignante à la SC.
Une dame jeune, mais déjà mariée depuis des années, apprend qu’une personne de sa connaissance, presque du même âge qu’elle, Mlle Elise L., s’est fiancée. Cette circonstance est l’excitateur du rêve suivant :

Pablo Picasso, La dormeuse aux persiennes (1936).
Elle est assise avec son mari au théâtre, un côté de l’orchestre est totalement inoccupé. Son mari lui raconte qu’Elise L. Et son fiancé auraient voulu venir aussi, mais qu’ils n’auraient trouvé que de mauvaises places, trois pour 1 fl. 50 kr., et qu’ils ne pouvaient bien sûr pas les prendre. Elle pense que cela n’aurait d’ailleurs pas été non plus un malheur.
Ce qui nous intéressera ici, c’est la provenance de ces nombres venus du matériel des pensées de rêve et les transformations qu’ils ont subies. D’où provient ce 1 fl. 50 kr. ? D’une occasion indifférente du jour précédent. Sa belle-sœur avait reçu en cadeau de son mari la somme de 150 fl., et s’était empressée de s’en défaire, en s’achetant un bijou avec. Notons que 150 fl., c’est cent fois plus qu’un fl. 50. Pour le trois, qui a trait au places de théâtre, il ne se trouve qu’un point de rattachement : la fiancée Elise L. est exactement de trois mois plus jeune que la rêveuse. La situation dans le rêve est la reproduction d’un petit événement à propos duquel elle a été souvent taquinée par son mari. Elle s’était un jour tant empressée de prendre à l’avance des billets pour une représentation théâtrale, et ne voilà-t-il pas qu’à son arrivée au théâtre un côté de l’orchestre était presque inoccupé. Elle n’aurait donc pas eu besoin de tant se presser. – Enfin ne fermons pas les yeux sur cette absurdité du rêve : deux personnes qui doivent prendre trois billets de théâtre !
Et maintenant les pensées de rêve : Ce fut vraiment un non sens de me marier si tôt, je n’aurais pas eu besoin de tant me presser. Je vois bien par l’exemple d’Elise L. que j’aurais toujours trouvé un mari, et même un (mari, trésor) cent fois meilleur, si seulement j’avais attendu. C’est trois maris comme ça que j’aurais pu acheter avec l’argent (la dot) !
[1] Freud S., Du rêve, Œuvres complètes, Psychanalyse, Volume V, PUF, 2012, p. 55
> Le trait d’esprit d’un trait pervers
par Patrick Roux, psychanalyste, enseignant en Propédeutique.
Il y a un exemple clinique freudien qui vaut de l’or pour montrer à quel point le signifiant structure le désir.[1] Il s’agit du cas dit du brillant sur le nez, dans l’article de Freud sur le Fétichisme de 1927[2]. C’est une perle car Freud ne choisit pas son fétichiste dans la série « tapageuse » des nombreux cas que répertorie Von Krafft-Ebing[3] ou dans ses Trois essais sur la sexualité : la chaussure, la petite lingerie ou la tresse du coupeur de nattes etc.
Freud parle d’emblée du « choix du fétiche ». Il reconstruit les circonstances « accidentelles » qui ont présidé à ce choix et ont donné lieu à une fixation. Il nous emmène dans la salle des machines du désir.
Le fétiche chez ce sujet prend la forme d’un « brillant sur le nez » – en Allemand, Glanz auf der Nase. Cet homme était émoustillé à la vue de ce brillant sur le nez d’une dame – un attribut érotique indispensable que Freud désigne comme une condition fétichiste ; c’est une condition sine qua non.
Souvenons-nous du démontage de cette particularité que Freud opère. Le patient avait été élevé en Angleterre où la locution glance at the nose (littéralement regard sur le nez) s’était imprimée en lui. Ainsi, à cause d’une simple assonance entre deux langues (Glance è Glanz), le voilà assujeti au « brillant sur le nez ». Bien entendu, le nez qui intéresse notre sujet n’est autre que celui qui est sous « les jupes des filles » – soit sa valeur de fétiche.
Freud fait en effet du fétiche, dès 1927, un substitut du pénis (erzats). Le traumatisme du sexuel tient, de son point de vue, à cette surprise : il n’y a rien (ça manque) là où l’on voudrait qu’il y ait quelque chose. Sa thèse sur le fétiche est donc qu’il s’agit d’un déplacement. Le brillant sur le nez est un démenti de l’horreur de la castration. Il répond au mécanisme du souvenir écran, à savoir qu’un arrêt sur image intervient juste avant que n’apparaisse ce qu’on pourrait voir… à savoir le rien. Le fétiche fixe ce moment où on peut encore croire au pénis maternel.
On retrouve la thèse centrale de Freud, autour de quoi il classe les structures cliniques : le devenir du Phallus. Par nature il n’existe que caché ; on ne peut pas le voir. Dans ce cas, pourrait-on dire, il brille par son absence.
P. Roux
[1] « C’est par la marque de l’arbitraire propre à la lettre que s’explique l’extraordinaire contingence des accidents qui donnent à l’inconscient sa véritable figure. » Lacan J. « La psychanalyse et son enseignement », Ecrits, p. 448. – [2] Freud S. « Le fétichisme », La vie sexuelle, Paris, PUF, 1987. – [3] Étude médico-légale à l’usage des médecins et des juristes.
> A qui rêves-tu…, in Poussières, de Barbey d’Aurevilly.
Proposé par Véronique Villiers, psychologue clinicienne.
À qui rêves-tu, si tu rêves,
Front bombé que j’adore et voudrais entr’ouvrir,
Entr’ouvrir d’un baiser pénétrant comme un glaive,
Pour voir si c’est à moi, – que tu fais tant souffrir !
O front idolâtré, mais fermé, – noir mystère,
Plus noir que ces yeux noirs qui font la nuit en moi,
Et dont le sombre feu nourrit et désespère
L’amour affreux que j’ai pour toi !
Je n’ai su jamais si tu penses,
Si tu sens, – si ton cœur bat comme un autre cœur,
Et s’il est quelque chose au fond de ton silence
Obstinément gardé, cruellement boudeur !
Non ! je n’ai jamais su s’il était dans ton âme
Une place où, plus tard, pût naître un sentiment ;Ou si tu dois rester une enfant, quoique femme :
Une enfant ! pas même ! – un néant !
Un néant qui semble la vie,
Mais qui fait tout oser aux cœurs comme le mien !
Car l’être inanimé qu’on aime nous défie.
On brûlerait le marbre en l’aimant ! – Mais le rien !
Le rien vêtu d’un corps…
. LA SECTION CLINIQUE HORS LES MURS

Jean-Michel Folon, La plume de l’écrivain (1973).
Il est possible d’organiser des débats en institution autour des publications.
Pour votre bibliothèque, la librairie de la Section Clinique met à votre disposition les ouvrages publiés dans l’École de la Cause freudienne et par les enseignants.
Ces livres allient la théorie et le vif d’une clinique singulière à chaque cas. Vous avez la possibilité de les faire dédicacer par leurs auteurs : demandez au libraire !
Vous pouvez également les faire découvrir dans l’institution où vous travaillez… Il est possible d’organiser des débats in situ avec les auteurs.
Pour envisager la faisabilité de telles actions, merci de nous écrire à section.clinique.am@wanadoo.fr ou de téléphoner au 06 75 19 80 26.
La librairie de la SC
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